Dictateurs en cavale

Publié le 8 mars 2004 Lecture : 3 minutes.

Rares sont les autocrates qui terminent leur vie dans leur palais. Pour un Staline ou un Mao morts dans leur lit au faîte de la gloire, combien de Ceaucescu écartés du pouvoir par la force ? Si la plupart ont une fin moins brutale que le dictateur roumain, condamné à la peine capitale par un tribunal militaire et exécuté le 25 décembre 1989, certains se voient livrés à une longue errance. Pour se limiter au dernier quart de siècle, on a encore en mémoire la fuite pitoyable du shah d’Iran, le 16 janvier 1979, balayé par la Révolution islamique. Accueilli dans un premier temps en Égypte, il retrouvera ce pays le
22 mars 1980 pour s’y éteindre sur un lit d’hôpital le 27 juillet suivant. Entre temps, le souverain déchu, de refoulement en refoulement, avait séjourné au Maroc, aux Bahamas, au Mexique, aux États-Unis et à Panamá.
Renversé par les forces de Laurent-Désiré Kabila, Mobutu Sese Seko avait lui aussi trouvé refuge au Maroc (après un bref passage au Togo). Comme le souverain iranien, le président du Zaïre ne survivra pas longtemps à sa destitution. Le 6 septembre 1997, moins de cent jours après avoir fui Kinshasa, il meurt à Rabat, où son corps repose toujours. Une dizaine d’années auparavant, à l’autre bout du monde, le dictateur philippin Ferdinand Marcos avait connu une fin comparable : déposé en février 1986, il rendait l’âme en septembre 1989 à Hawaii.
L’Ougandais Idi Amin Dada connut, lui, une retraite de dictateur beaucoup plus longue : de 1979, quand une rébellion appuyée par l’armée tanzanienne le contraint à abandonner le pouvoir, à 2003, date de sa mort en Arabie saoudite, où il avait été accueilli après un
séjour de dix ans en Libye. Comme Amin Dada, la même année, un autre dictateur de la région, Jean-Bedel Bokassa, perdait le pouvoir du fait d’une intervention extérieure, celle de la France en l’occurrence. Suivra pour l’empereur, en Libye lors de son éviction, un long périple entre la Côte d’Ivoire, la France et la Centrafrique où il viendra se livrer à la justice en 1989. En 1990, ce sont les Américains, cette fois, qui font tomber l’homme fort du Panamá Manuel Noriega. Ce narcotrafiquant notoire connaîtra un sort très particulier puisqu’il purge depuis 1992 une peine de quarante ans de prison aux États-Unis.
On le voit, et loin de prétendre à l’exhaustivité, la liste des despotes contraints à l’exil est longue. Le phénomène n’épargne d’ailleurs pas des chefs d’État, qui, sans briller par leur engagement démocratique, ne peuvent être qualifiés de dictateurs. Rien que pour l’Afrique, ce sont pas moins de huit présidents, tous genres confondus, qui
vivent actuellement, contraints et forcés, hors de leur pays : le Tchadien Hissein Habré au Sénégal depuis 1990 ; l’Éthiopien Mengistu Haïlé Mariam au Zimbabwe depuis 1991 ; le Congolais Pascal Lissouba en Grande-Bretagne depuis 1997 ; les Bissauguinéens João Bernardo Vieira et Kumba Yala au Portugal, respectivement depuis 1999 et 2003 ; le Malgache Didier Ratsiraka en France depuis 2002 ; le Centrafricain Ange-Félix Patassé au Togo ; et le Libérien Charles Taylor au Nigeria depuis 2003.
Encore convient-il de préciser que plusieurs autocrates sont rentrés au bercail ces dernières années. André Kolingba, exilé en Ouganda après le putsch manqué de mai 2001, a pu revenir en Centrafrique après l’arrivée au pouvoir de François Bozizé en mars 2003. L’Ivoirien Henri Konan Bédié, lui, était revenu à Abidjan en octobre 2001 au terme de vingt-deux mois d’exil à Paris. Au nord du continent, Gaafar el-Nimeiri, réfugié en Égypte depuis 1985, avait retrouvé le Soudan en 1999. Quant à Jean-Baptiste Bagaza, rentré au Burundi en juin 2002, il se distingue pour avoir fui son pays à deux reprises : en 1987, lors du coup d’État de Pierre Buyoya, et en 1997, après le retour au pouvoir du même Buyoya.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires