Aérien : pourquoi Boeing mise sur le redécollage de l’Afrique

Malgré les difficultés actuelles du secteur aérien, le géant américain table sur une hausse de la flotte africaine de 3,6 % par an sur les vingt prochaines années, soit un potentiel de ventes de 400 milliards de dollars.

Un Boeing 787-8 Dreamliner de la flotte de la Royal Air Maroc (RAM). © Boeing

Un Boeing 787-8 Dreamliner de la flotte de la Royal Air Maroc (RAM). © Boeing

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Publié le 27 octobre 2021 Lecture : 5 minutes.

« Le continent africain suit la même tendance de résilience et de reprise que la Chine, l’Europe ou encore les Amériques », a déclaré Randy Heisey, directeur général de Boeing chargé du marketing commercial pour le Moyen-Orient et l’Afrique.

Un constat prometteur confirmé par les données chiffrées du rapport « Commercial Market Outlook » (CMO) de Boeing pour 2021.

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Une flotte de 1 560 avions d’ici à 2040

Avant la pandémie, le Global Market Forecast (GMF) 2019 d’Airbus estimait que le trafic de passagers pour et depuis l’Afrique augmenterait de 5,4 % par an sur vingt ans. Même si ces prévisions n’étaient plus aussi pertinentes en période de Covid, la reprise des vols boostée par une demande croissante plaide en faveur d’une augmentation rapide du trafic.

En effet, les dernières anticipations de Boeing sont très optimistes, avec une hausse du trafic international de 6,5 %, du trafic Chine-Afrique de 6,2 %, Moyen-Orient-Afrique de 5,8 % et Europe- Afrique-de 3,7 %.

Flux de trafic PRK. © Flux de trafic PRK. Source : Boeing Commercial Market Outlook 2021.

Flux de trafic PRK. © Flux de trafic PRK. Source : Boeing Commercial Market Outlook 2021.

Ainsi, pour répondre à ce besoin grandissant, Boeing estime que la flotte des compagnies africaines augmentera de 3,6 % par an au cours des deux prochaines décennies.

En tout, le constructeur aéronautique américain s’attend à livrer 1 030 nouveaux aéronefs d’ici à 2040. La flotte des compagnies aériennes du continent atteindra donc 1 560 appareils.

Flotte des compagnies aériennes. Surce : Boeing executive summary 2021. © Flotte des compagnies aériennes. Source : Boeing executive summary 2021.

Flotte des compagnies aériennes. Surce : Boeing executive summary 2021. © Flotte des compagnies aériennes. Source : Boeing executive summary 2021.

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Si l’Afrique est loin derrière les autres régions du monde concernant le volume de livraison d’appareils, le continent se hisse néanmoins à la troisième place du palmarès mondial en termes de croissance du trafic.

L’Afrique ne va pas rattraper son retard en l’espace de vingt ans

Interrogé par Jeune Afrique, Sylvain Bosc, directeur général d’Avico (courtier et affréteur aérien) et ancien consultant spécialisé dans le transport aérien considère pourtant que « ce taux de croissance est en réalité faible, puisque le continent part de très loin par rapport au reste du monde, aussi bien au niveau du trafic que de la flotte ».

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Selon lui, « malgré l’augmentation notable du trafic aérien, l’Afrique ne va pas rattraper son retard en l’espace de vingt ans. La croissance du nombre d’avions ne suffira pas à répondre à la demande. D’autant plus que la population du continent devrait doubler d’ici 2050.»

63 000 emplois à pourvoir

D’après le rapport CMO 2021, les monocouloirs de 150 à 200 passagers (avions à fuselage étroit/standard) représenteront plus de 70 % des commandes d’avions commerciaux. En tout, 740 nouveaux avions seront principalement affectés au trafic intérieur et interrégional.

L’acquisition des nouveaux avions coûtera 160 milliards de dollars

Deux cent cinquante nouveaux avions gros porteurs (passagers et cargo) assureront quant à eux l’expansion du fret aérien et des vols long-courriers.

« Quatre-vingt pourcents des avions livrés aux compagnies africaines devraient soutenir la croissance de la flotte grâce à des modèles durables et plus économes en carburant, tels que les Boeing 737, 777X et 787 Dreamliner ; les 20 % restants remplaceront les modèles plus anciens », énonce le rapport.

Ces acquisitions représenteront 160 milliards de dollars, auxquels s’ajouteront les coûts des services de maintenance et de réparation évalués à 235 milliards de dollars. En plus de cela, 63 000 emplois seront à pourvoir : 24 000 membres du personnel navigant, 20 000 techniciens et 19 000 pilotes.

Chiffres clefs Boeing 2021. Source : Commercial Market Outlook, Boeing, 2021. © Chiffres clefs Boeing 2021. Source : Commercial Market Outlook, Boeing, 2021.

Chiffres clefs Boeing 2021. Source : Commercial Market Outlook, Boeing, 2021. © Chiffres clefs Boeing 2021. Source : Commercial Market Outlook, Boeing, 2021.

Selon notre publication sœur Africa Business Plus, le site d’informations économiques Premium de Jeune Afrique, le constructeur aéronautique américain a enregistré en 2021 la commande de « cinq Boeing 737 MAX à livrer à Comair Limited en Afrique du Sud, dix-huit Boeing 737 MAX et neuf Boeing 787-9 à livrer à Air Peace et Arik Air au Nigeria, ainsi que vingt-cinq Boeing 737 à livrer à Ethiopian Airlines, selon les éléments disponibles au 30 septembre ».

De l’autre côté de l’Atlantique, l’européen Airbus a lui aussi un carnet de commandes africain bien rempli. Notamment auprès d’Egypt Air, Ethiopian Airlines, Air Sénégal, Air Mauritius ou Air Tanzania qui opèrent des A330neo, A320, A350XWB, et A220.

Rôle positif de la Zlecaf

Pour Randy Heisey, « les solides perspectives de croissance à long terme de l’aviation commerciale africaine sont étroitement liées à la croissance économique du continent qui devrait être de 3 % par an au cours des deux prochaines décennies ».

Les compagnies africaines bénéficient d’atouts solides pour conquérir des parts de marché

La mise en place du marché unique du transport aérien africain ainsi que la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) sont vouées à stimuler l’économie de la région, et donc le transport aérien. D’autant plus que la classe moyenne et la population active africaines devraient doubler d’ici à 2040, ce qui engendrerait une « augmentation de la demande de transport aérien », selon la même source.

L’urbanisation croissante, la hausse des revenus et la mobilité ascendante de la classe moyenne vont de leur côté encourager les voyages et le tourisme sur le continent.

« Les compagnies africaines bénéficient d’atouts solides pour soutenir la croissance du trafic interrégional et conquérir des parts de marché en proposant des services qui connectent les passagers et favorisent le commerce intracontinental de façon efficiente », estime le directeur général de Boeing chargé du marketing commercial pour le Moyen-Orient et l’Afrique. « Ces changements positifs alimenteront un cercle vertueux d’augmentation du trafic aérien et de la croissance économique et donc de réduction des coûts pour les voyageurs, comme cela a été le cas auparavant dans d’autres régions », renchérit Heisey.

Plusieurs compagnies demeurent en difficulté

Malgré plusieurs indicateurs dans le vert, la relance en Afrique n’a pas été aisée. Contrairement au reste du monde, la reprise des vols intérieurs n’a pas suffi à atténuer le lourd impact économique de la crise sur les compagnies aériennes du continent. La part du trafic régional des pays africains ne représente en effet que 22 % du trafic total.

Plusieurs compagnies africaines, comme Air Algérie, Air Madagascar, South African Airways ou Namibia Airlines demeurent en difficulté financière.

De plus, certaines initiatives antérieures à la pandémie, telles que l’ouverture du marché unique du transport aérien africain (SAATM) visant à alléger les contraintes réglementaires, ont été bloquées par la pandémie et n’ont pas été poursuivies.

L’Afrique n’a pas de réel hub pour drainer les flux aériens

« L’Afrique commence la course avec un retard, qui risque de continuer à se creuser car les bonnes conditions ne sont pas réunies, à savoir une gestion transparente couplée avec une stratégie économique de long terme », souligne l’expert Sylvain Bosc.

« Le principal problème réside dans le fait que les compagnies sont entre les mains des États, utilisées comme un levier de rayonnement diplomatique, parfois comme un outil d’enrichissement personnel, ce qui empêche toute évolution positive », reprend-t-il.

D’autant plus que, contrairement aux régions émergentes ayant connu un fort développement ces dernières années, l’Afrique n’a pas de réel hub économique pour drainer les flux aériens « à l’image de ce qu’est Dubaï pour le Moyen-Orient où Singapour pour l’Asie du sud-est », poursuit-il.

« Même si Addis Abeba joue actuellement un rôle majeur, la capitale éthiopienne peine à attirer les entreprises, puisque l’environnement légal y est trop incertain… De son côté, malgré tous les avantages qu’offre Johannesburg, la métropole sud africaine est trop excentrée pour pouvoir servir de hub à toute l’Afrique. D’autant plus que la South African Airways a fini par faire faillite à force d’ingérences politiques ».

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