Le martyr et les croisés

Publié le 8 janvier 2007 Lecture : 2 minutes.

Des centaines de milliers de civils irakiens sont morts – et des milliers de militaires occidentaux sont morts – parce que Messieurs Bush et Blair, et le Premier ministre espagnol et le Premier ministre italien et le Premier ministre australien sont partis en guerre en 2003 au nom d’un noir mélange de mensonges et de tromperies.
Nous avons torturé, nous avons assassiné, nous avons persécuté et tué des innocents – nous avons même ajouté notre honte à Abou Ghraib à la honte de Saddam à Abou Ghraib – et l’on attend pourtant de nous que nous oubliions ces terribles crimes en applaudissant devant le cadavre du dictateur que nous avons créé se balançant au bout d’une corde.

Qui a encouragé Saddam à envahir l’Iran en 1980, ce qui a été le plus grave crime de guerre qu’il ait commis, car il a provoqué la mort d’un million et demi d’êtres humains ? Et qui lui a vendu les composants des armes chimiques qu’il a déversées sur l’Iran et sur les Kurdes ? Nous, bien sûr. Rien d’étonnant à ce que les Américains qui ont orchestré l’étrange procès de Saddam aient interdit qu’on évoque ces suprêmes horreurs dans son acte d’accusation.
Quant aux massacres perpétrés en 2003 avec nos bombes à uranium appauvri et nos bombes « antiabris » et nos assauts sanglants arrosés au phosphore à Fallouja et à Nadjaf, à l’anarchie dantesque dans laquelle nous avons plongé la population irakienne après notre « victoire » – notre « mission accomplie » -, qui en sera déclaré coupable ? Peut-être seront-ils évoqués dans les Mémoires que Blair et Bush écriront dans leur confortable retraite.

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Bien avant la condamnation à mort de Saddam, sa famille – la première épouse, Sajida, sa fille et les autres – avait perdu tout espoir. « Tout ce qui était possible a été fait, on ne peut que laisser le temps faire son uvre », a déclaré l’un d’eux. Saddam lui-même le savait, et il avait déjà annoncé son « martyre » : il était toujours président de l’Irak et il mourrait pour l’Irak. Tous les condamnés sont face à un choix : mourir avec un dernier appel à la clémence, ou bien mourir avec toute la dignité dans laquelle on peut se draper pour les dernières heures qu’on a à passer sur cette terre. Les dernières images qu’on a de lui au tribunal – ce pâle sourire qui éclairait son visage d’assassin – ont montré quelle allure il adopterait pour marcher à la potence. []
Il a été, avant sa mort, « remis aux autorités irakiennes ». Mais son exécution est l’uvre des Américains et l’Histoire retiendra que l’Occident a fait disparaître un dirigeant arabe qui n’obéissait plus à Washington et que, quels qu’aient été ses crimes, Saddam Hussein est mort en « martyr » par la volonté des nouveaux « croisés ».

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