La Banque mondiale prise en défaut
Les études de la Banque mondiale ne sont pas au niveau convenable pour une institution chargée de collecter les données économiques et sociales au niveau de la planète et d’élaborer à partir de celles-ci les moyens de faire reculer la pauvreté. Telle est la conclusion d’un panel de vingt-neuf experts universitaires, essentiellement américains, auxquels le vice-président et économiste en chef de la Banque, François Bourguignon, avait demandé un audit de son service des recherches entre 1998 et 2005.
Dans un rapport de 165 pages daté de septembre 2006, mais rendu public seulement à la fin de l’année, ces universitaires détaillent leurs griefs. Certes, ils jugent que 61 % de l’échantillon de 4 000 travaux qu’ils ont analysé sont « au-dessus de la moyenne ou de qualité supérieure ». Pourtant, ils constatent que trop de recherches sont « utilisées pour la défense des politiques menées par la Banque, sans faire preuve d’équilibre dans la présentation des faits ni de la distanciation requise ». Répétant que « la croissance est bonne pour les pauvres », comme le veut sa doctrine, la Banque n’a pas pris garde au fait que le rapport consacré à ce sujet comportait « des conclusions faibles ou contradictoires ». Autrement dit, les auditeurs regrettent qu’en cédant à la tentation de la plaidoirie, du discours trop consensuel, des études routinières débouchant sur des conclusions vagues, les chercheurs de la Banque aient failli à leur mission. Ils notent que, paradoxalement, « fort peu de recherches sont menées en partenariat avec des chercheurs des pays en voie de développement ». Par exemple, ils trouvent aberrant l’échec de la mise au point d’une carte statistique de la pauvreté en Afrique du Sud destinée à permettre un emploi optimal des aides internationales dans les zones déshéritées, faute d’un dialogue entre les experts de Washington et les universitaires sud-africains.
Il faudrait, lit-on dans le rapport, que le contrôle de la recherche soit renforcé et que les experts recrutés soient d’un meilleur niveau. Même si l’insuffisance du budget de la Recherche (25,3 millions de dollars, soit 2,5 % des recettes) n’explique pas à elle seule ses performances décevantes, elle y contribue tellement que les experts conseillent à la Banque de moins disperser son énergie dans des rapports ronflants et peu scientifiques.
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