2006, dernière séance

Concoctée en toute liberté par la rédaction de Jeune Afrique, une sélection aussi subjective qu’éclectique de films sortis au cours de l’année écoulée.

Publié le 8 janvier 2007 Lecture : 11 minutes.

C’est désormais une tradition : pour notre premier numéro de 2007, après avoir procédé à l’inventaire traditionnel, les journalistes de J.A. ont été invités à présenter le film qu’ils ont préféré l’an dernier. L’occasion de dresser un bilan cinématographique pour savoir quelles uvres retenir, tous genres confondus. Les critères qui ont présidé à nos choix sont volontairement subjectifs – le plaisir, l’émotion, la surprise, le divertissement et l’originalité – et reflètent la sensibilité de chaque journaliste.
Incontournables, attendus ou plus improbables, la quinzaine de films brièvement commentés ci-dessous ne constitue aucunement un palmarès. La logique de présentation est d’ailleurs uniquement visuelle. C’est ainsi que l’on passe d’une fiction à un film d’animation, d’un documentaire à un film d’auteur. Bien sûr, nombre d’autres réalisations auraient eu légitimement le droit de figurer dans cette sélection. À défaut de pouvoir être exhaustif, le résultat a le mérite de l’éclectisme. Flash-back sur 2006 et arrêt sur image.

Casino Royale
De Martin Campbell
Alors que les plus récentes aventures du célèbre héros de Ian Flemming avaient fini par lasser même les plus fervents aficionados de 007, Casino Royale, le vingt et unième opus de la saga James Bond, qui raconte l’histoire des premiers pas de l’agent au sein des services secrets de Sa Majesté, est une vraie bonne surprise. Le héros change une nouvelle fois de visage : c’est le Britannique Daniel Craig, un grand blond taillé comme un bodybuilder, qui reprend avec succès le rôle de Pierce Brosnan. Au menu : une superbe scène de poursuite à Madagascar, les Bahamas, Venise et, surtout, une mythique partie de poker en plein cur du Monténégro. Les ingrédients ne changent pas, action, luxe, jolies filles et belles voitures sont au rendez-vous, la réalisation est (presque) parfaite. Un très bon moment à passer, loin de la grisaille et des tracas.
Marwane Ben Yahmed

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Da Vinci Code
De Ron Howard
De grands acteurs, un réalisateur prestigieux, un film projeté hors Festival à Cannes et un scénario tiré d’un best-seller vendu à plus de 40 millions d’exemplaires Autant de raisons de s’intéresser à Da Vinci Code, le film. Certes, le résultat comporte ce qu’il faut de mystère, de décors grandioses et de rebondissements. Mais on est loin de la magie du conte fantastique Willow (1988), du même Ron Howard, du spectaculaire de sa superproduction Apollo 13 (1995) ou encore du suspense d’Un homme d’exception (2002), qui lui valut un oscar. Quant aux interprètes, on ne peut s’empêcher de penser à eux plutôt qu’aux personnages qu’ils incarnent. Jean Reno a eu de bien meilleurs rôles. Tom Hanks a du mal à s’éclipser pour laisser la vedette à Audrey Tautou, qui, elle, fait du Audrey Tautou, comme d’habitude.
Patrick Sandouly

OSS 117. Le Caire, nid d’espions
De Michel Hazanavicius
Jean Dujardin campe avec brio un Hubert Bonisseur de la Bath, alias OSS 117, espion français aussi drôle que flamboyant, aussi ignorant qu’arrogant, hâbleur, séducteur, menteur et, surtout, gaffeur. L’action se déroule dans l’Égypte des années 1950 où notre héros est envoyé avec pour mission de « sécuriser le Moyen-Orient ». Pas moins ! C’est ainsi qu’au fil de péripéties, du canal de Suez aux Pyramides en passant par les ambassades, mosquées et hammams du Caire (en réalité, le tournage a eu lieu à Casablanca, au Maroc), les clichés islamophobes et colonialistes de l’époque s’enfilent comme des perles, finement. Scène d’anthologie : l’interprétation, en arabe, par OSS 117 de « Bambino » (à faire pâlir Dalida). Espions anglais ou soviétiques, faux agents doubles, traîtres et femmes fatales pullulent dans ce pastiche de film d’espionnage. Outre des gags à gogo, le film exploite les situations cocasses jusqu’à la corde sans jamais les user. Une comédie au style faussement désuet, rocambolesque et hilarante à souhait.
Yasmina Lahlou

Bled Number One
De Rabah Ameur-Zaïmeche
Des bons films, il y en a eu beaucoup tout au long de l’année 2006. Mais ceux qui ont un style affirmé et original, qui tranchent avec le reste de la production, ont été comme toujours plutôt rares. Voilà pourquoi le deuxième long-métrage de Rabah Ameur-Zaïmeche, déjà remarqué pour Wesh Wesh en 2002, a laissé sous le choc les spectateurs, hélas trop peu nombreux, qui l’ont vu. L’histoire, qui raconte le difficile retour en Algérie, dans le Constantinois rural, d’un homme condamné en France à la « double peine » (prison puis expulsion), confronté à l’étrangeté d’un pays qui n’est plus vraiment le sien, aurait pu ne susciter qu’un mélodrame de plus. Mais la façon radicale de filmer du réalisateur, au plus près des acteurs, avec de longs plans séquences, sans craindre de montrer la violence, celle des situations qu’affrontent les personnages comme celle des sentiments qu’éprouvent ces personnages, crée un univers à nul autre pareil. Une sorte de « cinéma à l’estomac ».
Renaud de Rochebrune

Indigènes
De Rachid Bouchareb
Nous sommes en 1943. La France est occupée. Tête de file de la Résistance, le général de Gaulle recourt aux « bras valides » des colonies pour aider à libérer la « mère patrie ». Saïd, Abdelkader, Yassir et Messaoud font partie des milliers de tirailleurs, tabors et goumiers recrutés en Afrique – au nord et au sud du Sahara. Ils font le coup de feu en Provence, en Alsace, dans les Vosges, en Italie contre l’ennemi nazi. Décisifs au combat, ils sont oubliés dès la fin de la guerre. La France libérée se retournera même contre eux, et les massacrera à Sétif en 1945. Ce film engagé, au confluent du récit historique et de la fiction, restitue une page sombre du colonialisme. Les quatre acteurs (Jamel Debbouze, Sami Nacery, Roschdy Zem et Sami Bouajila) ont obtenu le Prix de la meilleure interprétation masculine à Cannes, en mai dernier. Le film a poussé Jacques Chirac à dégeler les pensions des soldats « indigènes » cristallisées depuis la fin de la guerre.
Cheikh Yérim Seck

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Libero
De Kim Rossi Stuart
Une famille, le père joué par le réalisateur (superbe brun aux yeux bleus !) élève comme il peut sa fille et son petit garçon (craquant), la mère étant partie avec son amant. Il adore ses enfants mais a des principes : il veut absolument que Tommi, son fils, devienne un grand champion de natation car il réussit très bien dans ce sport assez noble. Mais Tommi, lui, rêve de foot – que son père considère comme vulgaire. La mère revient et repart aussitôt. La vie reprend et finalement le père accepte sa condition de père célibataire et accède au désir de Tommi : « Anche libero va bene ! »
Annik Roure

U
De Serge Elissalde et Grégoire Solotareff
Depuis la disparition de ses parents, la princesse Mona vit seule dans un château avec deux personnages sinistres et repoussants. Un jour, une licorne prénommée U vient au secours de la petite fille désespérée par la cruauté de ses parents adoptifs. Le temps passe, Mona grandit et se transforme en une jolie adolescente rêveuse. Jusqu’à ce qu’une troupe de Wéwés – des êtres loufoques et pacifiques – vienne s’installer dans la forêt voisine. La vie de Mona va être soudainement bouleversée par cette famille de musiciens fantaisistes. Ce film d’animation est inspiré d’un livre pour enfant écrit par Grégoire Solotareff. Servi par un graphisme soigné, U met en scène un univers onirique parsemé de personnages hauts en couleur. Le tout emballé avec humour par une bande originale signée Sanseverino, auteur, compositeur et interprète de talent.
Jean-Dominique Geslin

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Little Miss Sunshine
De Jonathan Dayton et Valerie Faris
Cette comédie grinçante nous présente la famille Hoover et chacun de ses membres atypiques : le père, Richard, éternel optimiste, qui essaie de vendre son Parcours vers le succès en neuf étapes ; le grand-père héroïnomane ; l’oncle Frank, homosexuel spécialiste de Proust, et qui vient de rater sa tentative de suicide ; le fils, Dwayne, qui a fait vu de silence jusqu’à son intégration dans l’Air Force Academy ; la benjamine du clan, Olive, qui décroche une entrée au concours de beauté Little Miss Sunshine ; et la mère, Sheryl, qui essaie d’être le ciment de ces membres qui n’ont plus grand-chose à se dire. Tout le monde décide d’accompagner Olive à ce concours pour l’encourager. Ainsi commence un périple de trois jours en minibus Volkswagen pendant lequel ils devront faire face à des événements des plus surprenants.
Jérôme Besnault

Adieu Cuba
D’Andy García
Un film d’Andy García avec… Andy García, je ne pouvais pas rater ça ! Pour sa première réalisation, l’acteur nous offre une épopée touchante sur la révolution castriste et ses ravages. Adieu Cuba raconte l’histoire d’un propriétaire de night-club dans les années 1950, durant la période de transition agitée entre la dictature de Fulgencio Batista et le régime communiste de Fidel Castro. Alors que les troubles agitent l’île, Fico Fellove, gérant d’El Trópico interprété par Andy García – lui-même originaire de La Havane – n’a d’autre choix que de s’impliquer dans tout ce qui bouleverse son pays. L’arrivée de Castro au pouvoir entraînera l’exil du gérant à New York. Malgré des critiques extrêmement virulentes dénonçant des « clichés » et un manque de justesse, ce film a le mérite de dépeindre avec sincérité, et parfois même avec humour, le drame de l’exil et le mythe du retour. À noter aussi un casting de choix avec, entre autres, Dustin Hoffman et Bill Murray.
Sonia Mabrouk

Borat
De Larry Charles
Dans une république soviétique engluée dans un sous-développement crasse, on croise des misogynes antisémites, des violeurs impunis, de gentils demeurés et des putes vulgaires. De l’autre côté de l’Atlantique, les féministes butées évoluent aux côtés de bourgeois réactionnaires, d’adolescents racistes, de cow-boys fascistes et d’une blonde aux gros seins que Borat, le « héros », poursuit sans relâche. Journaliste kazakh perdu sur les autoroutes interminables et dans les hôtels glauques de l’Amérique profonde, Borat, incarné par l’hilarant acteur britannique Sacha Baron Cohen, nous fait évoluer dans un monde de clichés aussi stupides et méchants des deux côtés de l’ancien rideau de fer. Entre l’ironie décalée des Monthy Python et l’humour potache d’un Benny Hill, les tribulations du moustachu feront hurler de rire tous ceux qui aiment à penser que ce monde n’est qu’une énorme bouffonnerie.
Élise Colette

Profession : Reporter
De Michelangelo Antonioni
Une chape de silence écrase Profession : Reporter. Depuis ce désert muet où tout commence – est-ce le Niger, le Tchad, le Soudan ? – aux rues brûlantes d’Almería, le journaliste David Locke, incarné par un Jack Nicholson jeune, sobre et beau, porte son énigme. Pourquoi a-t-il décidé de se faire passer pour mort et de prendre l’identité de ce cadavre découvert dans une chambre d’hôtel ? Souterraines, indicibles, emmêlées, les raisons de sa fuite en avant, une impossible renaissance dans la vie d’un autre, se devinent mais ne se disent jamais. Ressorti en salles en juin 2006, trente et un ans après sa présentation au Festival de Cannes, le chef-d’uvre de Michelangelo Antonioni, épuré à en être intemporel, est resté renversant.
Marianne Meunier

Azur et Asmar
De Michel Ocelot
Tous les prétextes sont bons pour retomber en enfance. Mon neveu de 4 ans m’a servi d’alibi pour aller voir le dernier film d’animation de Michel Ocelot, réalisateur de Kirikou, une pure merveille, tant sur le plan esthétique qu’imaginaire. Azur, fils du châtelain, est blond aux yeux bleus. Asmar, fils de la nourrice, est brun aux yeux noirs. Élevés comme deux frères, ils seront bercés tout au long de leur enfance par la légende de la fée des Djinns avant d’être brutalement séparés. Devenus grands, ils partent chacun à la recherche de la fée. Rivalisant d’audace, ils iront à la découverte de terres magiques recelant autant de dangers que de merveilles. Cette superbe histoire d’amitié et de tolérance, qui se déroule dans un univers des Mille et Une Nuits, enchante les yeux et fait vibrer les curs des petits comme des grands.
Coumba Diop

Mémoires de nos pères
De Clint Eastwood
Adaptation d’un roman de James Bradley, Mémoires de nos pères relate la vision américaine de la conquête d’Iwo Jima, un îlot du Pacifique qui ferme la route du Japon à l’US Navy, en 1945. Film de guerre, il n’est pourtant pas que cela. Le long-métrage mène aussi une réflexion sur la propagande d’État pour soutenir, à l’arrière, l’effort de guerre. Partant de l’instrumentalisation du fameux cliché qui montre six marines hissant la bannière étoilée au sommet d’Iwo Jima, Clint Eastwood dénonce l’égoïsme des politiques, plus prompts à se soucier de la conservation de leur pouvoir que du sort des soldats. Le second volet, intitulé Lettres d’Iwo Jima, sortira en France le 21 février. Il racontera la même bataille, mais vécue du côté japonais cette fois.
Jean-Baptiste Marot

Scoop
De Woody Allen
C’est un scoop qui a fait la une des tabloïds du monde entier : Woody Allen a été pris en flagrant délit d’infidélité. Artistiquement s’entend. Voilà deux films coup sur coup que le cinéaste new-yorkais délaisse sa ville fétiche pour Londres. Après le très sombre Match Point sorti en 2005, c’est au tour de Scoop d’explorer les mécanismes de la haute société londonienne. Avec légèreté cette fois. Preuve en est le retour de Woody devant la caméra. L’humoriste incarne un vieux magicien ringard embarqué par une jeune journaliste (Scarlett Johansson) dans une histoire rocambolesque de fantôme et de tueur en série. On ne sait qui de l’actrice américaine ou de la capitale anglaise a su redonner au réalisateur ce légendaire sens du non-sens. Toujours est-il que Woody Allen a retrouvé sa verve comique et son humour marxiste (tendance Groucho). Ça, c’est un vrai scoop !
Guillaume Guguen

Congo River
De Thierry Michel
Voyage au fil de l’eau, dans le temps et voyage au plus profond de la RDC… Remontant le fleuve Congo, le cinéaste Thierry Michel s’est invité sur l’une des barges qui transporte les passagers et les biens à travers le pays. Il explore les vestiges du passé, rehaussés par des images d’archives de l’époque coloniale, écoute les prédicateurs, filme la joie et les fêtes, mais rappelle aussi que « le fleuve est intraitable pour ceux qui sous-estiment sa puissance », noyades et ensablement étant légion. Le voyage a commencé de façon paisible et poétique. Il devient chaotique à l’approche de la source. À Kisangani, la guerre a laissé des traces, des souvenirs de viols et de massacres. Tour à tour drôle et bouleversant, bercé par une magnifique bande-son (la musique de Lokua Kanza) et de discrets commentaires, Congo River a été primé au dernier festival de Berlin.
Olivia Marsaud

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