Algérie-France : le Parlement algérien contre-attaque sur la colonisation

En promouvant un avant-projet de loi criminalisant la colonisation, les députés algériens entendent riposter aux initiatives jugées hostiles de leurs homologues français.

Manifestation commémorant le massacre de Sétif, à Paris, le 8 mai 2018. © Sadak Souici/Le Pictorium/MAXPPP

Manifestation commémorant le massacre de Sétif, à Paris, le 8 mai 2018. © Sadak Souici/Le Pictorium/MAXPPP

Publié le 28 octobre 2021 Lecture : 3 minutes.

D’intenses tractations sont en cours à l’Assemblée nationale populaire (ANP) algérienne pour réactiver l’avant-projet de loi criminalisant le colonialisme, gelé depuis 2010. L’idée, lancée par les députés du Mouvement pour la société et la paix (MSP), qui mènent une offensive pour son aboutissement, vise à enrichir le texte avec la participation d’experts et d’historiens, confie à JA Nacer Hamdadouche, membre du bureau politique de la formation islamiste.

Au sein du groupe parlementaire du MSP, on estime qu’il faut « prendre des mesures qui feront mal et ne pas se contenter de déclarations pour exiger la repentance, les excuses et l’indemnisation des victimes de la colonisation française ». Les déclarations fin septembre du président français Emmanuel Macron sur le « système politico-militaire » algérien ont été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase du ressentiment entre les deux pays.

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« Guerre par procuration »

« Après les propos du président français, c’est au tour du Parlement français de s’engager, toute honte bue, dans une guerre par procuration au profit de lobbies dont l’unique mission est de provoquer l’Algérie et de s’ingérer dans ses affaires internes », tance, le 25 octobre, Moundir Bouden, vice-président de l’ANP et président de la Commission des Affaires étrangères.

Ces derniers jours, les députés et sénateurs ont accentué la pression sur le gouvernement. Le dossier de la criminalisation de la colonisation a été abordé lors de deux événements, organisés à deux jours d’intervalle par les deux chambres du Parlement : une journée thématique autour du 67e anniversaire de la guerre de libération nationale, tenue à l’initiative du Conseil de la nation, et une table ronde organisée le 25 octobre par l’ANP, en réponse au Parlement français, qui a convié, la semaine dernière, des militants algériens vivant en France à un débat sur les droits de l’homme en Algérie.

Les promoteurs de cette démarche qui, dit-on, fait consensus au sein de l’ANP, comptent saisir ce contexte de tensions pour entériner l’avant-projet de loi. Mais  la mouture doit franchir deux obstacles : sa validation par le bureau de l’ANP, puis par le gouvernement.

Le président Bouteflika avait bloqué la mouture initiale de l’avant-projet de loi

« Tout dépend de la décision politique prise en haut lieu. L’Assemblée nationale a des prérogatives limitées », admet, sceptique, Nacer Hamdadouche. Et d’ajouter que « les groupes parlementaires de la majorité, même s’ils approuvent cette démarche, devront au final se conformer aux injonctions de leurs directions politiques ». Rien n’indique donc pour l’instant que les autorités algériennes vont donner leur aval à cette démarche hostile à la France.

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D’autant qu’en janvier, le conseiller du président chargé des questions mémorielles, Abdelmadjid Chikhi, a donné le ton en soutenant que la criminalisation du colonialisme ne nécessite pas un texte de loi. « Ce n’est pas une priorité dans le dossier de la mémoire dont je suis responsable », a-t-il indiqué.

Durcissement inédit

La mouture initiale de l’avant-projet de loi criminalisant le colonialisme français (1830-1962) avait été déposé sur le bureau de l’ANP pour la première fois à l’instigation du Front de libération nationale (FLN) après l’adoption de la loi française de février 2005, évoquant les aspects « positifs » de la présence française sur le territoire algérien pendant plus d’un siècle. Mais le président Bouteflika l’avait bloquée à l’époque.

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Le texte consistait en un mélange de dénonciation du système colonial et de demandes, comme la liste des personnes disparues, la restitution des cartes des mines posées en Algérie ou encore l’indemnisation des victimes des essais nucléaires.

Dans l’article 4 de cet avant-projet de loi, il est énoncé qu’un « tribunal criminel algérien sera spécialement créé dans le but de juger tous les criminels de guerre et les crimes contre l’humanité ».

L’article 10 précise que « le tribunal criminel algérien ne prend pas en considération ni le poste occupé par l’accusé ni sa nationalité durant les étapes du procès ». Si ce texte venait à être voté, il marquerait indéniablement un durcissement inédit depuis l’indépendance dans les rapports entre Alger et Paris. Mais même ses initiateurs doutent de la concrétisation d’un tel scénario.

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