Pourquoi le Hamas ne désarmera pas

Mahmoud Zahar, le chef du mouvement islamiste, l’explique dans une interview au quotidien israélien « Haaretz »…

Publié le 7 novembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Dans la première interview qu’il accorde à un média israélien – le quotidien Haaretz, en l’occurrence – depuis l’assassinat par Tsahal, au printemps 2004, de Cheikh Ahmed Yassine et d’Abdelaziz Rantissi, les deux dirigeants historiques du Hamas, Mahmoud Zahar confirme amplement tout le mal que les Israéliens pensent de lui.
Après avoir réaffirmé la position de principe du Hamas en faveur de la création d’un État palestinien sur toute l’étendue de la Palestine de l’époque du mandat britannique – ce qui englobe à la fois Israël et les territoires occupés -, le chef du mouvement islamiste précise qu’un éventuel retrait israélien desdits territoires ne constituerait qu’une « étape dans la lutte », l’objectif final restant la libération de toute la Palestine, cette « terre sacrée des musulmans ».
« Si certains Israéliens s’imaginent que nous avons renoncé à notre combat historique parce que nous ne parlons que de la Cisjordanie et de Gaza, ils se trompent lourdement », explique-t-il, sans toutefois écarter la possibilité d’un amendement de la charte du Hamas (1988), qui prône la destruction de l’État d’Israël et comporte des paragraphes violemment anti-Juifs. Mais le sujet n’est « pas à l’ordre du jour ».
Né en 1945 à Gaza, Zahar est diplômé de la faculté de médecine d’Aïn Chams, au Caire (sa mère est d’origine égyptienne). Pendant ses années d’études, il fréquente les chefs de la confrérie des Frères musulmans. De retour en Palestine, il participe à la fondation de l’Université islamique de Gaza, en 1978, puis du Hamas, dont il est le premier porte-parole, neuf ans plus tard. Médecin personnel de Cheikh Yassine, il échappe, le 10 septembre 2003 à Gaza, à une tentative d’assassinat, oeuvre de Tsahal. En revanche, Khaled, son fils aîné (né en 1974), sa femme, l’une de ses cinq filles et un garde du corps périssent dans l’attaque.
« Si Israël avait libéré un grand nombre de prisonniers, comme il l’avait annoncé, les enlèvements et les attentats n’auraient pas eu lieu », déclare Zahar à Haaretz. D’où cet avertissement : « Israël détient encore neuf mille prisonniers. S’il ne les libère pas, il y aura d’autres enlèvements. » Interrogé sur le kidnapping et le meurtre d’un Israélien, Sasson Nouriel, revendiqués fin septembre par la branche armée de son mouvement, le chef islamiste affirme que cette opération n’a pas été décidée par la direction mais par « des hommes sur le terrain », et qu’elle a « bénéficié d’un large soutien populaire ».
Selon une enquête réalisée fin octobre par le Centre palestinien de sondages d’opinion (PCPO) auprès d’un échantillon de 1 043 Palestiniens âgés de plus de 18 ans, Zahar serait, avec 14,3 % des voix, la seconde « personnalité palestinienne la plus indiquée pour le poste de Premier ministre en cas de changement de gouvernement », après Marwane Barghouti, actuellement en prison (24,7 %), mais devant le libéral Mustapha Barghouti, candidat malheureux à la présidence de l’Autorité palestinienne (12,8 %), Mohamed Dahlan (11,9 %), et l’actuel chef du gouvernement, Ahmed Qoreï (5,4 %).
S’agissant des intentions de vote pour les législatives du mois de décembre, le sondage du PCPO confirme l’avance du Fatah (37,6 %), mais aussi la popularité du Hamas (25,6 %), qui devance de loin le Djihad islamique (5,2 %).
Zahar écarte l’éventualité que son organisation accepte de désarmer avant les législatives, comme le demandent Américains et Israéliens. « Pourquoi devrions-nous déposer les armes ? Jérusalem a-t-elle été libérée ? Avons-nous des garanties qu’Israël n’occupera pas une nouvelle fois la Cisjordanie et Gaza ? Y a-t-il eu de vraies réformes au sein de l’AP ? » interroge-t-il.
À l’en croire, un désarmement est certes envisageable, mais à deux conditions : que la question soit débattue lors des législatives et qu’elle fasse l’objet d’un large consensus national palestinien. Ce qui, au passage, lui permet de se présenter comme un champion de la démocratie !

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