Nuée de moustiquaires

L’anophèle pique surtout la nuit. Le traditionnel rideau de gaze reste le meilleur moyen de se protéger. Mais, en Afrique subsaharienne, la proportion des enfants qui en bénéficient n’est encore que de 3 %.

Publié le 7 novembre 2005 Lecture : 3 minutes.

« La charge morbide du paludisme est très importante, autant sinon plus que celle du sida » : Alain Yoda, ministre burkinabè de la Santé, est catégorique. Et défend avec force les outils de prévention dont il dispose, parmi lesquels une création locale : une lampe-tempête-radio disposant de spirales qui diffusent un répulsif contre les moustiques. Une solution particulièrement adaptée aux villages où la population se réunit bien souvent à la nuit tombée, en groupes ou en familles, pour entamer de longues discussions… ou écouter la radio. Sa distribution reste toutefois « anecdotique » et ne permettra pas d’atteindre les objectifs fixés en 2000 à Abuja, lors du Sommet des chefs d’État africains contre le paludisme, qui prévoyaient de fournir une protection à 60 % des personnes exposées. Les pulvérisations d’insecticides à domicile, primordiales, ne suffisent pas, elles non plus.
L’outil préventif le plus efficace, et le plus répandu, même s’il ne l’est encore que trop peu, est la moustiquaire imprégnée d’insecticide (MII), objet de toutes les campagnes contre le paludisme. Il faut dire que l’anophèle, le moustique responsable de la transmission du Plasmodium, pique surtout la nuit. En outre, l’utilisation simple, le faible coût et l’efficacité des MII en font un outil essentiel. Ainsi, employées à grande échelle, elles permettraient de réduire de 20 % les décès liés au paludisme chez les enfants de moins de 5 ans, population de loin la plus fragile face au parasite. Mais, aujourd’hui, on estime que la proportion moyenne d’enfants dormant ainsi protégés n’est que de 3 % dans l’ensemble des trente-quatre pays subsahariens étudiés entre 2001 et 2004. Pour ceux des foyers disposant de cet outil de prévention intervient ensuite, pour en garantir l’efficacité, l’obligation de la réimprégnation régulière. Là encore, seuls 5 % d’entre eux le font, ou ont les moyens de le faire.
Le coût de la MII – environ 3 dollars – a longtemps été un obstacle de taille. Grâce à l’augmentation globale des fonds destinés à lutter contre le paludisme, cet écueil tend à se résorber. Ainsi, ces trois dernières années, le nombre de MII distribuées a été multiplié par dix dans quatorze pays subsahariens. Entre 2002 et 2004, la proportion des moins de 5 ans protégés en Érythrée a augmenté de 63 %, et au Malawi de 36 %. Cette progression a été rendue possible par la mise en place d’une distribution dans le cadre des consultations de soins prénataux – permettant de toucher une autre population cible particulièrement vulnérable, les femmes enceintes -, des services de vaccination infantile ou des campagnes nationales de vaccination. Au Kenya, où 25 % de la charge morbide du pays est attribuée au paludisme, 3,7 millions de MII ont été distribuées depuis le début du siècle, épargnant 30 000 vies. D’ici à 2008, Population Services International, une ONG américaine qui a déjà distribué plus de 6 millions de MII depuis le début de 2005 sur l’ensemble du continent, en fournira encore 11 millions au pays pour protéger 167 000 enfants de la mort. De leur côté, les autorités togolaises ont prouvé qu’une large couverture n’était pas utopique, pour peu que l’on y consacre les moyens nécessaires. En collaboration avec l’Unicef et la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, une campagne nationale intégrée, incluant immunisation contre la rougeole et la poliomyélite, administration de vermifuge et distribution de moustiquaires, a été organisée sur dix jours, garantissant de toucher un maximum d’enfants. Auparavant, ils n’étaient que 15 % à dormir ainsi protégés ; désormais, ils seraient 98 %. L’organisation suisse prévoit d’ailleurs de renouveler cette expérience au Niger, en décembre prochain : plus de 2 millions de moustiquaires seront distribuées pour protéger tous les enfants.
Ces bons résultats ne doivent cependant pas occulter le prochain défi de la prévention : les réimprégnations. Là encore, les kits prévus à cet effet coûtent cher. Et les moustiquaires perdent leur efficacité au bout de quelques mois. La solution viendra sans doute d’un nouveau type de matériau plastique. Baptisé Olyset et mis au point par l’industrie japonaise, il associe l’insecticide et le polyéthylène au coeur de la fibre. L’efficacité de la moustiquaire est ainsi garantie pour plusieurs années, le principe actif remontant lentement en surface. La première usine de production de ce type de MII a été inaugurée à Arusha, en Tanzanie, en novembre 2004. Elle bénéficie d’un transfert de technologies à titre gracieux de la part de la société Sumitomo. Si ces MII deviennent la norme, elles faciliteront sans nul doute la réalisation des objectifs d’Abuja fixés en 2000. Seul le délai en aura légèrement pâti.

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