Climat : ce que l’Afrique attend de la COP26
Alors que la COP26 ouvre ses portes au Scottish Event Campus de Glasgow et qu’un sommet des chefs d’État doit se tenir les 1er et 2 novembre, le continent attend plus que jamais un engagement des pays riches pour financer sa réponse au changement climatique.
Payer pour polluer, être « récompensé » si on ne pollue pas ou peu, financer la transition de ceux qui ont le moins de ressources, tenir ses promesses en termes de limitation du réchauffement climatique… Autant d’exigences qui, de manière prosaïque, résument les attentes du continent africain à la 26e conférence des Nations unies sur le changement climatique, qui s’est ouverte ce dimanche 31 octobre à Glasgow, en Écosse.
Et c’est bien parce que l’Afrique ne joue qu’un rôle mineur dans le changement climatique de la planète que la question des mesures d’adaptation pour en limiter l’impact est centrale pour le continent. Celui-ci représente en effet 20 % de la population mondiale, mais n’est responsable que de 3 % des émissions de CO2.
Or, de manière inique, en l’absence d’un changement commun de trajectoire, l’Afrique devrait être la plus touchée par ces bouleversements d’ici les deux dernières décennies de ce siècle, avec notamment l’accentuation des phénomènes de sécheresse, selon le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec).
Pour rappel, l’Accord de Paris a fixé une trajectoire claire en termes de réduction mondiale des émissions carbone liées à l’activité humaine (plus de 50 milliards de tonnes environ par an) : d’ici à 2030, une réduction de 50 % des émissions ; d’ici à 2050, la neutralité carbone, autrement dit, ce qui n’a pas pu être éliminé doit être compensé. C’est cette feuille de route qui devrait permettre, selon les termes de l’accord, de limiter la montée des températures à 2 degrés ou 1,5 degré. Et, c’est cette trajectoire à laquelle le continent africain souhaite que les parties prenantes se tiennent, tout en approfondissant leurs engagements.
Financer l’adaptation
L’article 6 de l’Accord de Paris, adopté à la suite de la COP21 en 2015, a posé les bases d’un mécanisme de marché concernant les émissions de carbone. Six ans plus tard, alors que la COP26, prévue en 2020, a été reportée d’un an en raison de la pandémie de Covid-19, l’heure est au bilan d’étape et à la finalisation de ce mécanisme.
Pour le continent africain, les questions de la définition d’un prix du carbone et des contours du fonds d’adaptation sont deux points majeurs parce qu’ils doivent permettre de définir comment financer son évolution. L’Afrique ne représentant que 3 à 4 % des émissions mondiales de CO2, réduire ses émissions de 50 % d’ici à 2030 ne conduira qu’à une baisse de 2 % environ des émissions totales. « Le continent n’a qu’un intérêt modéré à revendre ses émissions et n’obtiendra pas beaucoup de crédit carbone », reconnaît Tanguy Gahouma, président du Groupe africain de négociateurs sur le changement climatique à la COP26, interrogé par JA.
La question qui se pose à l’Afrique c’est comment opérer des choix de développement sobre ou nul en carbone
Pour le scientifique gabonais à la tête des négociateurs africains, l’enjeu consiste surtout à pousser les pays développés à aller plus loin. L’Afrique réclame une taxe sur chaque transaction d’échanges de crédits entre un pays ou une entreprise qui a besoin de compenser ses émissions et un ou une autre qui a des crédits carbones à revendre. « Cette taxe devra participer au financement de l’adaptation », poursuit-il. Et elle aurait vocation à être domiciliée dans un fonds d’adaptation dédié.
Enfin, pour se protéger des effets néfastes du dérèglement climatique sur son territoire et investir dans une industrie plus résiliente, l’Afrique a tout à construire. Il lui faut engager une trajectoire vertueuse sans suivre les mêmes erreurs que les pays industrialisés. « La question qui se pose au continent, c’est comment opérer des choix de développement sobre ou nul en carbone et résilient sur le plan climatique », défend auprès de JA Youba Sokona, le vice-président du GIEC.
Transparence sur les efforts climatiques
Si le premier point appelle une négociation serrée au niveau politique, entre les participants de la conférence des chefs d’État du 1er et du 2 novembre, celui relatif à l’adaptation climatique consiste davantage en une négociation technique entre les parties prenantes.
Il recouvre notamment le volet de l’adoption d’un cadre commun pour les contributions déterminées au niveau national (les fameuses NDC). Un sujet d’attention majeur pour le continent puisqu’en la matière les pays ne sont pas tous alignés en termes d’objectifs d’émissions : chaque État est libre de choisir ses propres règles. Sauf que les conséquences sont plus lourdes en Afrique.
Les pays développés doivent fournir un effort de transparence quant à leurs émissions de CO2
Ce que constate le Malien Youba Sokona : « Dans la plupart des pays africains, qui sont pour beaucoup des régions de basse latitude, on connaît déjà 1,5°C d’augmentation réelle pour une moyenne mondiale de 1,1°C. » L’atmosphère étant une et indivisible, si un pays a des ambitions de réduction mais que les autres ne les partagent pas, le problème demeure entier, rappelle encore le vice-président du Giec.
Dans un discours plus dur, le Groupe africain des négociations demande ainsi à ce que les pays développés rendent compte chaque année des efforts consentis. « Cet effort de transparence doit porter à la fois sur la réduction des émissions mais aussi sur le financement », insiste Tanguy Gahouma.
Forcer la solidarité des pays riches
Il est enfin attendu de la COP26, un bilan des engagements des pays développés à mobiliser 100 milliards de dollars par an dès 2020, à destination des pays en développement et émergents. Une promesse de la COP de Copenhague de 2009, transformée en obligation en 2015 à Paris.
Or, il n’aura pas fallu attendre l’ouverture des négociations pour apprendre du président de la COP, Alok Sharma, et de la secrétaire exécutive des Nations unies pour le changement climatique, Patricia Espinosa, que l’objectif ne sera pas tenu immédiatement. Les pays développés « en seront incapables avant 2023 »…
«Une question centrale est l’apport d’un soutien aux pays en développement, notamment en ce qui concerne l’objectif qui était de mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020», ont insisté les deux responsables onusiens en ouverture de la COP.
En tant que l’un des principaux bénéficiaires de ces fonds, l’Afrique attend des deux journées de négociations entre chefs d’État qu’elles aboutissent à un accord définitif sur ce point – au même titre que la réduction des émissions.
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