Les déçus de la démocratie

Publié le 7 novembre 2005 Lecture : 2 minutes.

Au cours des douze prochains mois, 85 % des Latino-Américains se rendront aux urnes pour désigner leurs chefs d’État. Pas moins de onze pays sont concernés. Le Honduras et Haïti en novembre, la Bolivie et le Chili en décembre. En 2006, c’est le petit Costa Rica qui ouvrira la marche (février), suivi par le Pérou (avril) et la Colombie (mai). Ce sera ensuite au tour du Mexique, 102 millions d’habitants (juillet), et du Brésil, 175 millions d’habitants (octobre). Le Nicaragua (novembre) et le Venezuela (décembre) fermeront le ban. Autant dire qu’il s’agit d’une année exceptionnelle pour ce continent, dont une partie (Venezuela, Chili, Brésil, Uruguay, Argentine) a basculé à gauche au cours
des élections précédentes. Un basculement qui s’explique surtout par la misère qu’a provoquée la mise en uvre brutale des politiques ultralibérales pilotées depuis Washington dès le retour de ces pays à la démocratie. Et après deux décennies, au moins, de dictatures militaires. De quoi faire douter des vertus de la démocratie dans cette région qui compte aujourd’hui 40 millions d’indigents de plus qu’il y a vingt ans.
Dans un tel contexte, l’enquête publiée par l’hebdomadaire britannique The Economist dans son édition du 29 octobre n’en est que plus pertinente. Réalisée sur près de dix ans (1996-2005) dans dix-huit pays du continent par l’institut chilien Latinobarometro, elle montre clairement que si la moitié des Latino-Américains déclarent être des « démocrates convaincus », un sur trois seulement se dit satisfait de la manière avec laquelle la démocratie s’applique chez eux.
Dans une douzaine de pays, le soutien affirmé à la démocratie est même inférieur en 2005 à ce qu’il était en 1996. C’est le cas dans nombre de pays qui mettent en oeuvre des politiques économiques libérales et qui, pour certains d’entre eux, comme le Pérou et la Bolivie, connaissent une grave crise économique : Nicaragua, Équateur, Colombie, Bolivie, Pérou, Paraguay. Mais ils ne sont pas tous dans ce cas. Au Mexique, par exemple, actuellement gouverné par le très libéral Vicente Fox, le nombre de personnes déclarant que la démocratie est préférable à n’importe quel autre système a augmenté de 6 %.
La grande surprise vient du Brésil (- 13 %), où le président Lula tente pourtant d’injecter plus de justice sociale et plus de démocratie. Ce recul est peut-être imputable aux récents scandales de corruption qui ont éclaboussé le gouvernement, à moins que ce ne soit l’expression d’un certain désenchantement populaire face à la trop lente mise en oeuvre des réformes.
En ce qui concerne l’anti-américanisme, c’est en Argentine qu’il est le plus fort, là où vient de se tenir, en présence de George W. Bush, le quatrième sommet des Amériques (4-5 novembre). Viennent ensuite le Venezuela et l’Uruguay. En Amérique centrale, en revanche, l’oncle Sam a plutôt la cote.
Si une telle enquête montre clairement qu’un retour aux régimes autoritaires est peu probable, il est plus évident encore que pour s’enraciner solidement dans les esprits, la démocratie élective a beaucoup de progrès à faire en matière de transparence, de justice sociale et, surtout, de lutte contre la pauvreté.

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