Le combat, enfin !

Deux rencontres capitales se tiennent du 13 au 19 novembre à Yaoundé, au Cameroun, sur le thème « Développer de nouvelles stratégies pour lutter contre un ancien fléau ».

Publié le 7 novembre 2005 Lecture : 4 minutes.

Le 7 mars 2000, Jeune Afrique/l’intelligent publiait un dossier sur le paludisme dont l’attaque était : « L’Organisation mondiale de la santé [OMS] a lancé en 1998 un plan à cinq ans baptisé « Faire reculer le paludisme » (Roll Back Malaria, RBM). L’objectif est de « réduire de manière significative la charge du paludisme dans le monde par des interventions adaptées aux besoins locaux et par le renforcement du secteur de la santé » et, plus précisément, de faire baisser le taux de mortalité par paludisme « d’au moins 50 % d’ici à 2010 ». »
En avril 2000 s’est tenu à Abuja (Nigeria) le Sommet africain sur la campagne « Faire reculer le paludisme ». Il a reconnu que le paludisme n’avait guère « reculé » et qu’il continuait de faire un million de morts par an en Afrique. Constat :
« Neuf cas sur dix de paludisme dans le monde sont concentrés en Afrique au sud du Sahara.
« Le paludisme coûte plus de 12 milliards de dollars par an à l’Afrique, et pourrait être contrôlé pour une petite fraction de ce montant.
« Ceux qui en souffrent le plus sont certaines populations parmi les plus pauvres du continent, que le paludisme, en plus, maintient dans la pauvreté.
« Le paludisme a ralenti de 1,3 % par an la croissance économique dans les pays africains. Conséquence de l’effet cumulatif sur trente-cinq ans, le Produit intérieur brut de ces pays est aujourd’hui inférieur de 32 % à ce qu’il aurait été sans le paludisme. »
Le 4 novembre 2002, donc, deux ans après le Sommet d’Abuja, l’Assemblée générale des Nations unies a mis à son ordre du jour un nouveau bilan de la campagne RBM. À cette occasion, l’économiste américain Jeffrey Sachs, conseiller spécial du secrétaire général Kofi Annan, directeur de l’Institut de la Terre à l’université Columbia et auteur de l’enquête sur les conséquences économiques du paludisme (voir p. 63), démontrait que les promesses d’Abuja n’avaient toujours pas été tenues.
Réunissant ces constatations, nous avons publié, en 2003, un autre dossier intitulé « Le combat sans fin ». Statistiquement, au début de l’année 2005 encore, la menace représentée par le Plasmodium falciparum était évaluée à une fourchette comprise entre 1 million et 3 millions de morts par an dans le monde et à 500 millions de cas cliniques. Le paludisme continue de tuer de nombreux enfant en Afrique, en particulier des moins de 5 ans.
Dans un entretien à J.A.I. publié en février 2005, le professeur Awa Marie Coll-Seck, secrétaire exécutif du Partenariat mondial public-privé RBM, reconnaissait que « le paludisme ne recule pas encore ». Mais elle ajoutait : « 2005 sera une année charnière. » Tous les éléments semblent en effet réunis pour qu’on puisse mener le combat.
1. La prévention est possible : il existe désormais des moustiquaires durablement imprégnées dont la distribution s’organise (voir p. 64) ;
2. La guérison est possible : il existe désormais des antipaludéens, combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine (ACT, en anglais), auxquels le parasite ne résiste pas ;
3. « L’implémentation locale », comme dit le franglais des experts, est en route. L’illustration la plus spectaculaire en sont les rencontres qui se succéderont à Yaoundé, au Cameroun, du 13 au 19 novembre prochain : la IVe Conférence panafricaine de la MIM (Multilateral Initiative on Malaria, Initiative multilatérale sur le paludisme) et le Ve Forum du partenariat RBM.
La Conférence de la MIM réunira plus de 1 500 participants, originaires de 60 pays. Les avancées les plus récentes de la science et de la technologie appliquée à la recherche sur le paludisme y seront débattues. L’accent sera mis sur le défi que constitue leur application sur le terrain.
Le Ve Forum présentera le Plan stratégique mondial du partenariat pour les années 2005-2015. Il fera le point sur les progrès réalisés et les reculs enregistrés ces dernières années et ces derniers mois. Il s’interrogera sur les mesures à prendre dans les régions les plus endémiques, et plus particulièrement sur les possibilités de prévention et de traitement pour les populations à risque : les enfants de moins de 5 ans, les femmes enceintes, les personnes vivant avec le VIH-sida, qui sont particulièrement vulnérables. Une des préoccupations essentielles sera de mobiliser les ressources humaines indispensables pour atteindre les objectifs d’Abuja, et ceux que le partenariat se fixe pour les années à venir.
À l’horizon 2010 :
– 80 % des populations à risque seront protégées ;
– 80 % seront soignées par les ACT dans les vingt-quatre heures qui suivent le déclenchement de la crise ;
– 80 % des femmes enceintes suivront un traitement préventif dans les régions les plus menacées ;
– la charge du paludisme sera réduite de 50 % par rapport à 2000.
À l’horizon 2015, la morbidité et la mortalité seront réduites de 75 % par rapport à 2005, y compris chez les populations les plus pauvres des pays touchés (voir p. 56 le point de vue du Pr Coll-Seck).
D’ores et déjà, le privé apporte une forte contribution. À la veille de Yaoundé, la Fondation Bill et Melinda Gates, financée par le créateur de Microsoft, a annoncé qu’elle faisait don de 258,3 millions de dollars pour combattre « l’épidémie oubliée » : 107,6 millions iront à l’association Malaria Vaccine Initiative pour les recherches sur un vaccin ; 100 millions à Medecines for Malaria Venture, qui travaille sur les remèdes à base d’artémisinine ; et 50,7 millions à l’Innovative Vector Control Consortium, qui concentre ses efforts sur les insecticides imprégnant les moustiquaires. L’heure est donc à la mobilisation générale. Celle-ci sera-t-elle enfin suivie d’effets ?

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