Jour J à Bouaké

Publié le 7 novembre 2005 Lecture : 3 minutes.

Comme à Abidjan, la métropole du Sud, le nord de la Côte d’Ivoire a connu marches et manifestations en cette matinée du 30 octobre. À Bouaké, Man, Odienné, Séguéla, Boundiali ou Korhogo, le scénario est identique : les populations se rassemblent pour assister à des discours puis se rendent dans les différents bureaux de représentation de l’Opération des Nations unies en Côte d’Ivoire (Onuci), afin de remettre un message solennel à leurs responsables. Partout, son contenu est le même : refus de la résolution 1633 du Conseil de sécurité de l’ONU, autrement dit du maintien au pouvoir du président Gbagbo.

Dans la « capitale » rebelle, la foule est très nombreuse au rond-point de la gare routière. Les organisateurs parlent de 50 000 personnes… Elles sont plutôt 15 000 à 20 000. L’absence de Guillaume Soro, le secrétaire général des Forces nouvelles (FN) resté à Ouagadougou, y est sans doute pour beaucoup. Mais ceux qui ont fait le déplacement font preuve de détermination. En tête du cortège qui se dirige vers le siège de l’Onuci, l’ambiance est survoltée. Des jeunes, le visage peint en rouge et blanc, brandissent à bout de bras un cercueil, alors que des chants funèbres retentissent alentour. La caisse est censée représenter la mort du pouvoir de Laurent Gbagbo. Une plaisanterie que n’apprécient guère les membres des Nations unies, qui refusent tout net que le « symbole » pénètre dans la salle de conférences où ils doivent recevoir une délégation de manifestants. Après une rencontre entre des représentants des FN, le responsable politique de l’Onuci et le commandant de la zone Est des forces de maintien de la paix, le défilé se disperse.
Chacun retourne à ses occupations, mais la ville reste étrangement calme. Les magasins et les boutiques du marché gardent porte close. Le souvenir de l’attaque des Sukhoï sur les positions françaises, en novembre 2004, est encore très présent dans les esprits. Les gens craignent des représailles. D’autant que, dans l’après-midi, les téléphones portables relayent une nouvelle inquiétante en provenance d’Abidjan : « On tire à balles réelles sur les manifestants, sur le pont Félix-Houphouët-Boigny ! » Plus de peur que de mal, heureusement : les échauffourées du Sud ne font que quelques blessés, et le Nord se rassure.
À la nuit tombée, Sidiki Konaté, le porte-parole des FN, fait connaître la position des rebelles au soir de ce qui aurait dû être un dimanche électoral. Considérant nulle et non avenue la décision de l’Union africaine (UA) et de l’ONU de prolonger de douze mois le mandat de Laurent Gbagbo, il proclame Guillaume Kigbafori Soro Premier ministre du futur gouvernement de réconciliation nationale ! Et le mandate « pour prendre contact avec toutes les formations politiques signataires de l’accord de Linas-Marcoussis, en vue de constituer le gouvernement ».
Le communiqué ajoute que la future équipe s’emploiera à « régler les questions essentielles restées en suspens », à savoir l’identification de toute la population, le démantèlement des milices progouvernementales et l’engagement du processus de Démobilisation, désarmement, réinsertion (DDR) « sur la base du programme adopté par les Forces de défense et de sécurité et les Forces armées des forces nouvelles, en vue de la tenue d’élections générales ».

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La plaisanterie fait long feu, mais révèle le découragement, voire le mépris, des dirigeants des FN pour les hommes politiques ivoiriens et la communauté internationale dans son ensemble. Elle traduit leur volonté d’occuper le devant de la scène, alors même que les discussions allaient bon train pour choisir un Premier ministre de transition. Elle traduit enfin le souci de répondre à ce que l’on appelle, ici, l’unilatéralisme de la communauté interafricaine. « Trois ans n’ont pas suffi à régler le problème de la partition Nord-Sud de la Côte d’Ivoire, ce ne sont pas douze malheureux mois qui le feront. » Pris en étau entre le gouvernement et les rebelles, l’homme de la rue paraît, lui, de plus en plus las d’une situation chaque jour un peu plus inextricable.

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