Appel à l’aide

Le 8 décembre prochain se tiendra à Maurice la Conférence des bailleurs de fonds consacrée à l’avenir de l’archipel.

Publié le 7 novembre 2005 Lecture : 5 minutes.

Plus que jamais, l’archipel a besoin d’aide. Et c’est pour y répondre que se tiendra le 8 décembre à Maurice la conférence des bailleurs de fonds en faveur de l’Union des Comores. Organisé sous l’égide de l’Union africaine (UA), coprésidé par le président sud-africain Thabo Mbeki et le Premier ministre mauricien Navin Ramgoolam, ce sommet tant attendu doit permettre au gouvernement de mobiliser les ressources nécessaires à la relance de son économie après la crise institutionnelle qui secoue le pays depuis 1997. Moroni a chiffré les besoins de financement du pays pour la période 2006-2009 à 126,1 milliards de francs comoriens, soit 256 millions d’euros. Un montant qui peut paraître élevé, mais qui, selon les autorités, est nécessaire pour permettre au pays de consolider la réconciliation nationale et d’honorer ses engagements extérieurs tout en luttant contre la pauvreté.
Estimée à 65 millions de dollars par an au début des années 1990, l’aide au développement a chuté à moins de 14 millions de dollars après la crise anjouanaise. Cette baisse de l’aide internationale conjuguée à l’effondrement des recettes d’exportation a exacerbé la crise que traverse le pays. « Cette conférence annoncée depuis 2001 va enfin se tenir, se félicite le président Azali Assoumani. Il est temps que la communauté internationale comprenne que nous avons tourné la page de l’instabilité. Certes, les dépenses publiques ont augmenté. Mais il ne s’agit pas de dépenses fantaisistes : la démocratie a un coût. Le pays a besoin de consolider le processus de réconciliation. Dans cet objectif, la Conférence des bailleurs de fonds sera décisive. »
C’est dans un climat relativement incertain que les « Amis des Comores » se réuniront à Port-Louis, et les enjeux auxquels le pays se trouve aujourd’hui confronté sont multiples. Tout d’abord, sur le plan économique, le pays, qui fait actuellement l’objet d’un programme de surveillance de la part du Fonds monétaire international (FMI), doit effectuer les réformes nécessaires pour pouvoir bénéficier en 2006 d’une Facilité pour la réduction de la dette et pour la croissance (FRPC). Ce qui lui permettra ensuite d’être éligible à une réduction de sa dette au titre de l’initiative PPTE (pays pauvres très endettés). Or l’échéance pour en bénéficier est fixée au 31 décembre 2006, et les Comores doivent impérativement décrocher la FRPC avant cette date. Le temps presse et la prochaine mission du FMI, prévue à la fin de ce mois, sera déterminante. Les experts attendus à Moroni vont évaluer les progrès économiques effectués et rendront leur verdict en décembre.
Toutefois, il faut reconnaître que le pays a souffert d’une conjoncture particulièrement défavorable. La chute des cours mondiaux de la vanille a réduit de manière catastrophique les entrées de devises. Sur le marché international, les prix se sont effondrés, passant à 100 euros le kilo de vanille préparée en 2004, contre 400 euros l’année précédente. Du coup, la production comorienne, qui s’élevait à 140 tonnes en 2002, est tombée à 60 tonnes en 2004, et les stocks invendus se sont accumulés. Pour les Comores, la baisse des cours cumulée à celle de la production s’est traduite par une chute catastrophique des recettes d’exportation dont la valeur est passée de 9,1 milliards (18,5 millions d’euros) à 1,8 milliard de FC (3,65 millions d’euros) entre 2003 et 2004.
Dans le même temps, le prix des carburants s’est mis à flamber. Le 22 septembre dernier, le gouvernement a annoncé l’augmentation du litre de gasoil de 350 à 600 FC et de celui d’essence de 500 à 700 FC, provoquant aussitôt la colère de la population. Décidée dans l’urgence parce que la Société nationale des hydrocarbures (SNH), qui gère les importations, redoutait de ne pouvoir honorer ses engagements, cette hausse des tarifs a suscité des émeutes qui ont fait un mort et une quinzaine de blessés. Depuis, le gouvernement a pris des mesures d’allègement fiscal pour compenser partiellement une baisse du pouvoir d’achat, mais la situation sociale reste très tendue.
Alors que l’économie reste très sensible aux variations des matières premières, les nouvelles institutions de l’Union, qui se caractérisent surtout par leur multiplicité, s’avèrent particulièrement budgétivores. Les moyens financiers collectés sont devenus trop faibles pour le nouveau train de vie de l’État. Avec 88 députés, 4 parlements, 4 gouvernements (environ 45 ministres) et 4 présidents élus, l’appareil étatique comorien est devenu ubuesque. Souvent paralysée par les conflits de compétence et d’intérêts, cette structure censée favoriser la réunification du pays et ressouder les différentes îles entre elles semble parfois être un facteur supplémentaire de division, et empêche tout assainissement des finances publiques.
Enfin, les prochaines échéances politiques risquent de grever encore un peu plus le budget de l’État. En effet, la nouvelle Constitution stipule que la présidence de l’Union des Comores doit normalement obéir à une rotation entre les trois îles qui la composent. Élu en avril 2002 à la tête du pays, le colonel Azali Assoumani cédera son fauteuil en avril 2006. La présidence de l’Union reviendra à un candidat d’Anjouan, et une « primaire » devra permettre aux Anjouanais de choisir les trois meilleurs candidats issus de leur île. Ces trois personnalités seront ensuite départagées par les suffrages de tous les citoyens de l’Union. Cette opération est non seulement risquée pour la stabilité du pays, mais aussi coûteuse à organiser. Mais pour les partisans de l’Union, cette « tournante » va enfin permettre d’impliquer plus l’île d’Anjouan dans la vie de la nation et de renforcer l’unité nationale. Si l’actuelle Constitution résiste à l’épreuve des urnes, elle confirmera que le pays est bien sorti de la zone de turbulences et entre en convalescence.
Toutefois, les fractures laissées par la poussée de fièvre séparatiste des années 1990 restent à réduire. L’Union a toujours deux universités, deux sociétés publiques de distribution d’hydrocarbures, et l’armée nationale ne s’est toujours pas redéployée à Anjouan, où la gendarmerie locale incarne l’autorité. De plus, si les conflits de compétence constatés l’an dernier entre le gouvernement de l’Union et les exécutifs insulaires ont été réglés (en théorie) par la loi, les tensions demeurent, dans les faits, très palpables.
Enfin, le pays rencontre d’autres difficultés qui fragilisent encore sa situation. Depuis le mois de septembre, les Comoriens installés clandestinement à Mayotte (estimés à 55 000 sur 240 000 habitants) ont été déclarés indésirables par la population, sensible aux arguments du député UMP mahorais Mansour Kamardine. Après les propos du ministre français des DOM-TOM, François Baroin, remettant en question le droit du sol dont bénéficient les enfants des Comoriennes qui accouchent sur l’île française de Mayotte, ce sont des manifestations anticomoriennes qui ont éclaté, et certains ressortissants ont rejoint Anjouan. Mais les revenus versés par cette diaspora (environ 22 milliards de FC par an) risquent de faire cruellement défaut aux autres îles. Une raison de plus pour les donateurs de répondre à l’appel des Comores.

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