Maroc Telecom cède du terrain à ses challengers Inwi et Orange
Le numéro un subit les récentes décisions d’un régulateur moins acquis à sa cause depuis 2020. Cette situation ouvre des perspectives à Inwi et Orange, qui progressent sur tous les fronts.
Longtemps présentés comme des challengers freinés par la domination de Maroc Telecom, Inwi et Orange semblent être en passe de prendre leur revanche dans le royaume chérifien. L’opérateur historique dirigé depuis 2001 par l’indétrônable Abdeslam Ahizoune – reconduit en février 2021 à la présidence du directoire du groupe jusqu’au 1er mars 2023 – perd en effet un peu de terrain depuis deux ans.
« Contexte concurrentiel et réglementaire »
Dans ses résultats financiers publiés au titre du troisième trimestre de 2021, le numéro un du marché, qui enregistre néanmoins une solide et constante marge de 51,6 % pour un chiffre d’affaires global en léger recul de 1,9 % par rapport au troisième trimestre de 2020, admet subir « les répercussions du contexte concurrentiel et réglementaire ».
Un euphémisme pour évoquer le coup que lui a porté le régulateur marocain à la fin de novembre 2020, à travers sa décision de baisser le tarif sur l’interconnexion des réseaux mobiles. Dès le 1er décembre 2020, ces derniers sont passés de 0,03 dirham hors taxes par SMS à 0,01 dirham, affaiblissant l’effet de rente que peut représenter cette activité pour un acteur dominant le marché.
Des deux challengers du marché, c’est Inwi qui tire le mieux parti de ce contexte renouvelé
Cette décision s’ajoute à un encadrement des tarifs de terminaisons d’appel mobile et fixe impliquant une baisse de 35 % pour Maroc Telecom jusqu’à 2022 contre 25 % pour ses concurrents.
Recul en parts de marché
Selon les chiffres de l’Agence nationale de régulation des télécommunications (ANRT), entre le premier trimestre de 2019 et cette même période en 2021, Maroc Telecom a perdu 4 % de part de marché en nombre d’abonnés sur la téléphonie mobile, contre -1,3 % pour Orange Maroc et +5,4 % pour Inwi (Wana Corporate). Mais c’est sur l’internet fixe et mobile que le recul est le plus important. En deux ans, l’entreprise propriété de l’émirati Etisalat a perdu 12 % de part de marché sur l’internet mobile et près de 13 % sur l’internet fixe.
Ses concurrents, eux, n’ont cessé de progresser sur ces deux segments. « Comme Maroc Telecom ne partage pas ses infrastructures, Orange et Inwi ont déployé de la fibre optique en propre et sont aujourd’hui capables d’offrir des services à des tarifs plus compétitifs », observe le dirigeant d’un cabinet de conseil en télécoms installé à Casablanca.
Les insuffisances en matière de régulation renforcent les postures oligopolistiques et les pratiques anticoncurrentielles
Des deux challengers du marché, c’est Inwi qui tire le mieux parti de ce contexte renouvelé, avec plus de 35 % de part de marché au premier trimestre de 2021 sur l’internet mobile contre un peu plus de 26 % pour Orange. L’entreprise dirigée depuis septembre 2020 par Azzedine El Mountassir Billah, ex-patron de l’ANRT, a investi 2 milliards de dirhams (environ 190 millions d’euros) par an au cours des cinq dernières années de mandat de sa prédécesseur, Nadia Fassi Fehri. Cette stratégie lui a permis de pénétrer de nouveaux segments, comme le paiement mobile, la cybersécurité et la gestion des données pour le compte de professionnels.
Ces chiffres sont néanmoins à relativiser, estime notre consultant en télécoms : « Si Orange et Inwi ont regagné des abonnés, il serait intéressant de voir si la différence en valeur a évolué elle aussi, mais l’ANRT ne donne pas le détail qui permettrait de faire une telle analyse, estime-t-il. Je pense que Maroc Telecom est globalement toujours en position dominante, mais il faudrait des chiffres plus précis pour le montrer. »
Maroc Telecom reste une valeur sûre
Toujours est-il que le tout-puissant opérateur va devoir s’adapter à une idée qui commence à faire son chemin au sein de la classe politique marocaine : le démantèlement progressif de certains oligopoles industriels pour redynamiser des pans entiers de l’économie chérifienne. C’est notamment le cas de la Commission spéciale sur le modèle de développement conduite par Chakib Benmoussa qui constate dans un rapport rendu au roi Mohammed VI, en juin 2021, que « les insuffisances en matière de régulation de certains secteurs renforcent les postures oligopolistiques et les pratiques anticoncurrentielles, rendant l’entrée de nouveaux acteurs difficile ».
Du reste, Maroc Telecom, dont les résultats des implantations subsahariennes compensent son ralentissement sur le marché marocain, demeure également une valeur sûre pour les marchés financiers. A fortiori depuis la décision d’Etisalat d’augmenter sa participation dans le groupe à hauteur de 53 %. La société tente également d’innover afin de booster la consommation de données. Cette dernière a lancé en juillet « MT TV », une plateforme de vidéo à la demande accessible sur mobile ou télévision connectée. Le service, créé en partenariat avec le distributeur français Molotov et Digital Virgo pour l’infrastructure de paiement, propose 80 chaînes et de nombreuses vidéos en replay.
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