Éthiopie : Abiy Ahmed, un Nobel au bord du gouffre ?
Deux ans après avoir reçu le prix Nobel de la paix, le Premier ministre éthiopien est cité parmi les possibles auteurs de crimes de guerre dans la région du Tigré. Et certains observateurs anticipent déjà sa chute.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 6 novembre 2021 Lecture : 2 minutes.
« Oups… » répètent à l’envi ceux qui, en 2019, virent en Abiy Ahmed un apôtre de la paix et de de la coopération internationale. À l’époque artisan d’une « initiative déterminante visant à résoudre le conflit frontalier avec l’Érythrée », le Premier ministre éthiopien, lauréat du prix Nobel de la Paix, est aujourd’hui cité parmi les acteurs présumés de « crimes contre l’humanité » dans le cadre de la guerre au Tigré.
Le comité norvégien s’est-il précipité ? Dix ans avant Abiy Ahmed, Barack Obama avait reçu le même prix, pour des intentions plus que pour des actes. Et en 2017, Associated Press se demandait s’il était possible de retirer le prix attribué à la Birmane Aung San Suu Kyi…
Ce 3 novembre 2021, la Haut-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU et de la Commission éthiopienne des droits de l’homme affirment, dans un rapport conjoint, que tous les belligérants de la crise au Tigré auraient participé « à des degrés divers » à des massacres de civils, des exécutions extra-judiciaires, des enlèvements, des cas de détentions arbitraires, des violences sexuelles ou des actes de torture.
Vers un putsch éthiopien ?
Si l’on devait considérer qu’Abiy Ahmed a usurpé la médaille norvégienne, devrait-il expier en rendant son tablier, sachant qu’il risque de voir bouclée, par l’est, la ceinture continentale des putschs guinéo-malo-tchado-soudanais ? Car pour l’Armée de libération oromo (OLA), alliée aux Tigréens du TPLF, la prise d’Addis-Abeba est « une question de mois, si ce n’est de semaines ».
Alors que les rebelles revendiquent la prise de villes situées à 400 km de la capitale, le scénario de la chute commence à être évoqué par des observateurs indépendants. Le Premier ministre éthiopien avait pourtant proclamé sa victoire militaire dès le 28 novembre 2020.
Certains médias évoquent un pouvoir central qui vacille et un changement de régime par les armes
Alors que son gouvernement a déclaré, le 2 novembre, l’état d’urgence sur l’ensemble du pays, certains organes de presse internationaux évoquent un pouvoir central qui « vacille » et un « pays tout entier qui risque de basculer avec un changement de régime par les armes, inédit depuis 1991 ». Dans les coulisses, la même trompette alarmiste est embouchée par des diplomates, ceux-là même qui louaient le rôle stabilisateur du pays dans la Corne de l’Afrique, notamment depuis le mandat d’Ahmed et sa main tendue vers l’Érythrée.
Un esprit de dialogue que les griots du régime ne reconnurent plus lorsque fut déclenchée, il y a un an, l’offensive militaire contre la province septentrionale du Tigré. Les communications étant coupées dans une grande partie du nord éthiopien et l’accès des journalistes y étant restreint, c’est l’Histoire qui séparera, au fil des années, le bon grain du Prix Nobel de l’ivraie du chef de guerre. Mais c’est une survie bien plus immédiate qui occupe Abiy Ahmed.
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