Suspense à haut risque

Les résultats provisoires des élections présidentielle et législatives ne seront annoncés que le 20 août. Mais certains candidats se proclament d’ores et déjà élus ou refusent par avance le verdict des urnes.

Publié le 7 août 2006 Lecture : 3 minutes.

Il serait dommage que le civisme des électeurs soit foulé aux pieds par l’irresponsabilité des hommes politiques. C’est pourtant la menace qui pèse sur la République démocratique du Congo après les élections présidentielle et législatives du 30 juillet, marquées par une forte participation si l’on en juge par l’affluence dans les bureaux de vote.
Alors que le décompte des voix se poursuit et que les résultats provisoires doivent être annoncés le 20 août par la Commission électorale indépendante (CEI), les premières estimations placent aux avant-postes Joseph Kabila, le président sortant, et Jean-Pierre Bemba, le vice-président de transition. Mais, au sein des équipes de campagne, l’agitation, bien normale, constatée au soir du premier tour prend très mauvaise tournure. En coulisses, on assiste ici et là à d’assez détestables opérations de manipulation.
Avancer des résultats invérifiables, se proclamer vainqueur avant l’heure, refuser par avance le verdict des urnes si celui-ci devait être défavorable, crier à la fraude pour mieux délégitimer l’éventuelle victoire de l’adversaire, telles sont les stratégies mises en uvre par médias interposés, chacun disposant de ses propres journaux, stations de radio et chaînes de télévision. « Il faut suspendre ces soi-disant émissions politiques qui ne sont qu’un déversoir de calomnies et de fausses rumeurs », suggère un responsable de la Mission des Nations unies (Monuc). De fait, l’annonce anticipée de résultats partiels a eu pour principal résultat d’échauffer les esprits. « Les spéculations prennent une telle ampleur qu’elles font craindre le pire », écrivait, quatre jours après le scrutin, Le Potentiel, l’un des principaux quotidiens congolais.
Dans les rues et les marchés, les propos outranciers tenus par les militants les plus radicaux sont les indices d’une situation potentiellement dangereuse. « Kabila doit partir », crient les uns. « Bemba, c’est la guerre », répondent les autres. « Il y a un raidissement, commente un enseignant de Kinshasa, mais, pour l’instant, ça n’explose pas, parce que la majorité de la population n’a pas envie de briser l’élan du 30 juillet. Hélas ! certains politiciens jettent de l’huile sur le feu. Et il n’est pas exclu que des minorités extrémistes réussissent à déclencher une flambée de violence. »
Pour conjurer la menace, les appels à la retenue se multiplient. Dans une déclaration commune, les observateurs internationaux engagent les candidats à « respecter les choix des électeurs », à « amplifier la dynamique de paix » et à « s’inscrire dans la voie de la réconciliation nationale et de la reconstruction du pays ». Encore plus clair, le général Philippe Morillon, chef de la mission européenne, exhorte les dirigeants de se montrer à la hauteur. « Ceux qui se livrent au petit jeu des pronostics font preuve de légèreté et d’imprudence. Les Casques bleus de la Monuc et la force européenne déployée à Kinshasa [Eufor] sont là pour dissuader ceux qui seraient tentés de refuser le verdict des urnes. »
Même discours de la part de William Swing, le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU. « Une pression amicale va être exercée sur les responsables politiques pour faire cesser ce déballage. Il faut calmer les esprits et éteindre l’incendie. Certaines initiatives seront publiques et d’autres non », précise l’un de ses collaborateurs.
Parallèlement, la diplomatie se met en branle. Swing s’est rendu pendant quelques heures à Abuja, le 4 août, afin de rencontrer le président Olusegun Obasanjo. À Brazzaville, Denis Sassou Nguesso, qui préside l’Union africaine, multiplie les contacts. Et Kofi Annan a fait de même, par téléphone, au cours du week-end des 5 et 6 août. La voie de la sagesse finira-t-elle par l’emporter ?

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