Ngalasso Mwatha Musanji

Linguiste d’origine congolaise, il supervise la rédaction de trois dictionnaires franco-africains.

Publié le 7 août 2006 Lecture : 2 minutes.

Ngalasso Mwatha Musanji est né en 1943 dans le village de Shimun-Kiombo, à 400 km à l’est de Kinshasa. Repéré par les missionnaires, le fils de simples agriculteurs se retrouve au petit séminaire jésuite de Kinzambi. La discipline de fer est largement compensée par le confort dans les études, l’apprentissage des langues (le français, le flamand et le latin, alors pratiqué comme une langue vivante par les maîtres et les élèves du séminaire). Ngalasso s’initie au piano, devient un organiste expérimenté : il joue encore de l’orgue chaque semaine dans les églises de Bordeaux.
Après le grand séminaire, il rejoint l’université Lovanium en 1966. Il hésite à y suivre des études de médecine et opte finalement pour la philologie romane. Animé par sa passion pour l’auteur du Moyen Âge Chrétien de Troyes, il se lance dans la résolution d’une énigme littéraire qui a fait reculer jusqu’aux médiévistes les plus pointus : Chrétien de Troyes est-il l’auteur de toutes les uvres publiées sous son nom ? À la stupéfaction de son directeur de recherche, il résout l’énigme grâce à des outils mathématiques inédits, à des comptages statistiques d’indicateurs grammaticaux

Son don pour les langues – il en pratique une dizaine – il l’utilise pour sa thèse, où il approfondit les contacts entre les langues africaines et les langues romanes sur la côte atlantique du Congo entre le XVe et le XIXe siècle.
Premier voyage en Europe à 30 ans – choc culturel Allers et retours entre universités françaises et congolaises. Finalement, en 1982, Ngalasso s’installe à Bordeaux, avec ses cinq enfants et son épouse.
Depuis 1997, il dirige deux énormes chantiers : le classement du fonds dit des « anonymes orientaux » à la Bibliothèque nationale de France, et la création du Dictionnaire plurilingue d’Afrique. Le fonds des « anonymes orientaux » réunit six mille manuscrits, dont le plus ancien remonte à 1803, écrits en langues africaines, qui ont été rapportés par des missionnaires, des militaires, des explorateurs pendant l’époque coloniale. Il s’agit de textes littéraires, religieux, didactiques (grammaires, dictionnaires) avec une forte quantité d’ouvrages en amarhique (Éthiopie), malagazy (Madagascar) et berbère. L’effort d’identification et de description a surtout porté sur les manuscrits – souvent superbes – en provenance d’Afrique subsaharienne. Le résultat de la recherche sera publié en 2007, dix ans après son lancement.
Le second chantier a été inauguré en 2000 sous l’égide de l’Agence internationale de la Francophonie – aujourd’hui l’OIF. L’objectif du projet Réseau international des langues africaines et créoles (Rilac) est de créer des dictionnaires africains plurilingues permettant de rapprocher le français des grandes langues véhiculaires transnationales (les « langues transfrontalières »). Ainsi trois dictionnaires de quinze mille mots vont-ils voir le jour en 2007 : le premier, français-haoussa-swahili; le deuxième, français-mandé-?fulfuldé ; le troisième, français-?lingala-sango. Cette initiative est dictée par une nette évolution dans les pays francophones en direction de « la pédagogie convergente », qui consiste à fonder l’enseignement du français sur la connaissance des langues locales. Il n’est pas étonnant que ce projet révolutionnaire ait été confié à un originaire de l’ex-Congo belge. Là-bas, le colonisateur faisait appel aux langues locales pour alphabétiser et commencer à scolariser les enfants africains.
Votre projet, Monsieur Ngalasso ? « Servir » Et quoi encore ? « Être utile. » Rien d’autre ? « Si, jouer de l’orgue » Et vos enfants ? « Ils ont tous de belles situations, et je suis heureux qu’ils parlent le flamand comme moi, mieux que moi. »

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