Un bond numérique pour le monde arabe

Carlo Maria Rossotto coordonne les activités de la Banque mondiale dans le secteur des TIC au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Il est le co-auteur d’un ouvrage récemment publié sur le haut débit dans le monde arabe*.

Carlo Rossotto. © ITU / J.M. Ferré

Carlo Rossotto. © ITU / J.M. Ferré

Publié le 5 février 2014 Lecture : 4 minutes.

Du pigeon-voyageur à l’internet haut débit, le monde aura franchi un pas de géant pour rendre quasi-immédiate notre communication et nos interactions à travers le globe. C’est au Moyen-Orient qu’est née initialement la science qui a permis de concevoir la fibre optique, ce matériau qui constitue l’ossature du haut débit aujourd’hui. Une invention dont les conséquences se révèleront considérables, puisqu’elle permet notamment, via les réseaux haut débit d’aujourd’hui, d’assurer cette transmission instantanée des connaissances et des informations aux quatre coins du monde. À présent, il appartient à la région du globe qui a été le berceau de ces technologies optiques de mettre leur potentiel de transformation économique et sociale à portée de tous les citoyens et d’en faire un moteur de croissance. 

L’internet haut débit est un véritable accélérateur de développement : il permet aux élèves marginalisés d’accéder au savoir, apporte de nouvelles perspectives d’expression et d’ouverture à des communautés vulnérables de même qu’à l’échelle de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), il représente le moteur d’une compétitivité accrue et d’une intégration commerciale tant espérée. 

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Pour plus de la moitié des Marocains, un abonnement à l’internet mobile haut débit s’élève à plus de 26 % de leur revenu mensuel.

À l’heure actuelle, cependant, ces multiples retombées sont loin de se concrétiser : la région MENA affiche des taux de pénétration du haut débit largement inférieurs à ceux enregistrés ailleurs dans le monde, en raison notamment du coût exorbitant de l’accès à cette technologie. Pour plus de la moitié des Marocains, par exemple, un abonnement à l’internet mobile haut débit s’élève à plus de 26 % de leur revenu mensuel. Et le Maroc est plutôt bien loti par rapport au reste de la région, où ce coût peut représenter plusieurs fois le montant du revenu mensuel. Dans ces pays, le marché de l’accès à internet est en général dominé par un petit nombre d’acteurs, ce qui ne favorise guère les baisses de prix ni l’amélioration de la qualité. 

Centaines de kilomètres de câbles.

La région est déjà parcourue de centaines de kilomètres de câbles en fibre optique qui appartiennent aux entreprises de service public des secteurs de l’énergie et des transports, mais qui ne sont utilisés qu’à une très faible fraction de leurs capacités. C’est le cas, par exemple, de l’Algérie : ses 20 000 kilomètres de câbles optiques sont un atout considérable qui, s’il était exploité pourrait faire du pays un nouvel acteur régional. 

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L’exemple de l’Europe de l’Est et de l’Asie montre comment des pays qui ont su libéraliser les marchés de l’internet sont parvenus à dépasser des économies pourtant plus avancées. Une telle démarche pourrait aussi porter ses fruits dans le monde arabe, mais cela exige que ces pays soient déterminés à libéraliser leurs marchés et à mettre en œuvre des réformes réglementaires profondes. Le fossé que l’on constate entre la région MENA et d’autres régions du monde peut être comblé en introduisant des mesures en faveur de la concurrence, en autorisant l’arrivée d’un plus grand nombre d’opérateurs et en abaissant les barrières structurelles et réglementaires auxquels se heurtent les nouveaux entrants. 

Enfin, rappelons que le secteur des télécommunications attire depuis longtemps des capitaux dans la région ; de fait, ces dix dernières années, il a constitué le moteur des investissements directs étrangers dans la plupart des pays. Si l’on mettait en place le cadre règlementaire approprié au niveau national et régional, ces capitaux pourraient financer un essor rapide des réseaux haut débit et mettre ainsi en place les fondements d’une innovation et d’une croissance portée par les technologies mobiles et internet. 

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Une hausse de 10 % du nombre d’abonnés au haut débit conduit à un accroissement de 1,4 % de la croissance du PIB et de 4,3 % des exportations.

Débouchés pour les jeunes et les femmes.

Face à l’explosion de la demande de haut débit au sein d’une population jeune et férue de technologie, le monde arabe a la possibilité d’y répondre en bâtissant un environnement concurrentiel dynamique. Avec, à la clé, un coup d’accélérateur pour la croissance économique: des études montrent en effet qu’une hausse de 10 % du nombre d’abonnés au haut débit conduit à un accroissement de 1,4 % de la croissance du PIB et à une augmentation de 4,3 % des exportations. Chaque emploi créé dans la construction des réseaux génère jusqu’à trois emplois de plus dans le reste de l’économie. Autre argument de poids pour la région : le secteur des télécommunications offre des débouchés tout particulièrement aux femmes et aux jeunes, alors que le chômage frappe durement ces deux catégories de la population. 

Les Arabes ont légué un héritage d’une valeur inestimable dans les domaines des sciences et de la connaissance. Ce qui manque actuellement aux peuples du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, c’est un environnement qui leur permette de cueillir les fruits de cet héritage. 

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*Broadband Networks in the Middle East and North Africa: Accelerating High-Speed Internet Access, avec Natalija Gelvanovska et Michel Rogy, World Bank Publications, Washington, 2014.

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