La présidentielle, affaire de famille

Certains candidats comptent sur la renommée de leur patronyme pour ratisser large.

Publié le 7 août 2006 Lecture : 3 minutes.

Les électeurs malgaches se rendront aux urnes le 3 décembre prochain pour choisir leur nouveau président. Un scrutin qui semble sans surprise tant le leadership de Marc Ravalomanana paraît incontestable. Le chef de l’État est même déjà assuré de pouvoir organiser une élection pluraliste susceptible de recueillir à la fois l’adhésion de la population et l’onction des bailleurs de fonds.
Une dizaine de candidats se sont déjà déclarés. Parmi eux, plusieurs portent des patronymes qui ont fait l’histoire récente de la Grande Île. Ancien ministre des Postes du régime précédent, Ny Hasina Andriamanjato est indubitablement entré en politique par filiation. Son père, le pasteur Richard Andriamanjato, préside le Parti du congrès de l’indépendance (AKFM) depuis 1958. Membre influent de la Fédération protestante de Madagascar, il a connu toutes les républiques. Il a même soutenu successivement les différents régimes. Ancien conseiller suprême de la révolution sous Didier Ratsiraka, il a longtemps tenu le perchoir de l’Assemblée nationale et jouit encore d’une grande influence. Mais son fils, quadragénaire au profil moderniste, souhaite se démarquer de l’ancienne génération.
Plus anecdotique, la candidature de Philippe Tsiranana, benjamin des huit enfants du premier président de la République malgache, Philibert Tsiranana. Sa famille bénéficie encore d’une certaine notoriété dans la province de Mahajanga. Jouant sciemment de la fibre nostalgique, il a expliqué vouloir faire revivre aux Malgaches d’aujourd’hui la période de prospérité économique de la Ire République. Son programme : continuer celui de son père Mais, à 48 ans, ce diplômé de l’École supérieure de commerce de Reims (France) reste peu connu sur la Grande Île : il réside en France depuis 1972. Ses détracteurs lui reprochent notamment de mieux parler le français que le malgache…
Enfin, dernier fils de famille en lice : Roland Ratsiraka. Le maire de Toamasina (ex-Tamatave) fait figure de challengeur sérieux face au président sortant, même si on ignore toujours sous quelle étiquette il se présentera. Interrogé par le quotidien L’Express sur le poids de son patronyme, il reconnaît que celui-ci constitue à la fois un handicap et un atout, mais insiste sur l’indépendance de sa démarche. Et de préciser : « Je suis évidemment obligé de rendre compte aux membres de ma famille. Cela ne veut absolument pas dire que je dois me plier à leur avis. Ceci étant, aucun d’entre eux ne perçoit négativement ma candidature. »
Roland Ratsiraka a pu rencontrer son oncle à Paris en début d’année, sans se prévaloir explicitement de son soutien. En revanche, son mandat d’édile de la deuxième ville du pays peut servir à fédérer autour de sa candidature l’électorat côtier, face au leadership de l’ethnie merina, concentrée sur les hauts plateaux. Le premier magistrat de Toamasina doit comparaître devant la Cour criminelle ordinaire (CCO) pour détournement de fonds publics. Accusé de mauvaise gestion par le pouvoir central, l’intéressé rétorque que sa commune n’a pas reçu de subventions publiques depuis plusieurs années, en dépit des promesses. Certains ne voient dans ce procès qu’une manuvre destinée à l’éliminer de la course à la présidentielle. D’autant qu’il reste, pour l’heure, le seul candidat susceptible de rassembler les suffrages des nostalgiques de l’ancien régime.
Exilé à Paris depuis 2002, l’ancien vice-Premier ministre de Didier Ratsiraka, Pierrot Rajaonarivelo, veut se porter candidat, mais reste inéligible en raison d’une condamnation en justice. L’intéressé n’en brigue pas moins l’investiture de son parti, l’Arema, et espère la bénédiction de son ancien patron. Mais, au sein du comité directeur de l’Arema, les fidèles de l’amiral Ratsiraka n’excluent pas la candidature de leur mentor. D’où la déclaration de Roland de retour au pays après un voyage à Paris : « Si mon oncle est candidat, je me désisterai ! »
À ce jour, Didier Ratsiraka, comme Rajaonarivelo, ne pourra se présenter que s’il bénéficie d’une amnistie. Condamné le 6 août – par contumace – à dix ans de travaux forcés et à une amende de 1 million de francs malgaches (FMG), il a été reconnu coupable de détournements de fonds publics pour une valeur de 49 milliards de FMG (3,5 millions d’euros). Mais le véritable objectif de ce procès était moins d’arrêter l’Amiral – aucune demande d’extradition n’a été adressée à la France – que de le mettre définitivement hors jeu en le plaçant dans l’incapacité d’exercer une fonction publique. On ne voit pas pourquoi la justice reviendrait aujourd’hui sur cette décision.

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