L’apprenti sorcier, le tigre et le dragon

L’économiste américain Clyde Prestowitz analyse la montée en puissance de la Chine et de l’Inde.

Publié le 7 août 2006 Lecture : 2 minutes.

« La grande migration de la richesse et du pouvoir vers l’Asie » : le sous-titre de cet ouvrage d’un ancien conseiller de l’administration Reagan pour les négociations commerciales, auteur il y a quelques années d’une étude remarquée sur le concept d’« État-voyou » cher à George Bush, semble bien résumer son contenu. Économiste et spécialiste de géopolitique, Prestowitz, effectivement, décrit de façon saisissante l’essor de la Chine – déjà productrice par exemple des deux tiers des photocopieurs, des jouets et des chaussures vendus sur la planète -, puis de l’Inde – où l’on apprend désormais aux employés des call centers à prendre l’accent de telle ou telle région du monde pour rassurer leurs interlocuteurs, qui croient s’adresser à des compatriotes. Un essor impressionnant à la fois au plan économique et en termes de puissance globale.
Mais l’intérêt principal de son propos ne réside pas dans ce constat, qu’il n’est pas le premier à proposer. S’il s’intéresse au dragon chinois, au tigre indien et à quelques autres pays en plein développement, c’est de la façon dont certains de ses prédécesseurs américains se sont intéressés dans les années 1980 au champion mondial de l’exportation d’alors, autrement dit le Japon. Il était de bon ton à Washington d’accuser Tokyo d’inonder le territoire yankee de ses produits et de menacer à terme la prospérité, voire le leadership mondial des États-Unis. L’auteur poursuit aujourd’hui le même raisonnement, cette fois en attribuant le rôle du prédateur aux deux nouvelles grandes puissances asiatiques. Et en estimant que le grand responsable de leur montée en puissance apparemment irrésistible, c’est l’Amérique. Ou plus exactement le credo libre-échangiste et mondialiste qu’elle propage à travers la planète de façon irréfléchie, comme un apprenti sorcier.
Ce que nous apprend indirectement Prestowitz, c’est donc surtout à quel point le pays – qui est devenu depuis la fin de la guerre froide l’unique superpuissance – n’est guère sûr de lui. Il semble déjà se préparer à devoir en rabattre sur son arrogance et ses certitudes de pays phare du monde. Ce pourrait être une bonne nouvelle si cela se vérifiait prochainement. Mais on peut se souvenir de ce que sont devenues les prédictions des experts sur la future puissance sans égale du Japon.

Three Billion New Capitalists, de Clyde Prestowitz, Basic Books, 322 pages, 26,95 $.

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