Halte à l’hécatombe !

Hausse des financements, chasse à la corruption, distribution gratuite de moustiquaires, recours à de nouveaux médicaments : la lutte s’organise contre le palu.

Publié le 7 août 2006 Lecture : 4 minutes.

Goulou, Ouganda. Les causes du paludisme n’ont rien de mystérieux : ce sont les moustiques qui transportent le parasite. Mais pourquoi 800 000 enfants continuent-ils d’en mourir chaque année en Afrique – c’est la maladie qui tue le plus – alors que les remèdes sont peu coûteux et bien connus : des médicaments à 43 centimes d’euro la dose, des moustiquaires qui protègent un enfant pour 1 dollar par an et un insecticide, dont les pulvérisations dans une maison reviennent à 10 dollars par an ?
Les négligences et la corruption sont inexcusables. En Ouganda, un pays de 28 millions d’habitants, pas une seule des 1,8 million de moustiquaires promises il y a deux ans par le Fonds mondial de la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme n’a été livrée. À la Banque mondiale, qui s’est engagée, il y a six ans, à réduire de moitié les morts provoquées par le paludisme en Afrique, plus personne ne travaille sur la maladie. La principale agence d’aide au développement américaine a admis devant les sénateurs qu’elle dépensait plus pour payer les consultants que pour financer des mesures qui sauveraient des vies.
Mais aux États-Unis, conservateurs et libéraux unissent désormais leurs efforts pour reprendre le combat contre la maladie tueuse d’enfants. Le sénateur républicain du Kansas, Sam Brownback, se dit d’accord avec l’économiste Jeffrey Sachs, selon lequel des solutions pratiques mises en uvre par les Africains pourraient sauver la vie de millions de personnes. « La gauche et la droite font front commun », souligne Brownback.
En commission, l’an dernier, le sénateur républicain Tom Coburn a affirmé, de son côté, que les consultants et les fournisseurs de Washington se sont adjugé une part beaucoup trop importante du budget du paludisme pendant beaucoup trop longtemps. Il a cité le témoignage d’Amir Attaran, professeur de droit à l’université d’Ottawa et grand spécialiste de la maladie. Pour ce dernier, l’Agence américaine pour le développement international (Usaid) est aux ordres du « complexe industriel de l’aide étrangère ». L’an dernier, 1 % seulement de son budget a été consacré à l’achat de médicaments, 1 % aux insecticides et 6 % aux moustiquaires. Le reste a été dépensé pour la recherche, l’éducation, les évaluations, l’administration, etc.
Les sénateurs proposent donc une stratégie en trois points qui entre actuellement en application. Le premier est que les États-Unis devraient cesser de recommander la vente en Afrique de moustiquaires subventionnées, mais les distribuer gratuitement.
Deuxièmement, les États-Unis devraient faire campagne pour l’utilisation de nouveaux remèdes tels que le Coartem, qui combine une herbe chinoise, l’artémisinine, avec d’autres produits antipaludéens, parce que les anciens médicaments sont de moins en moins efficaces du fait de la résistance développée par le parasite. Une dose de Coartem coûte aujourd’hui 55 cents pour un enfant de 3 ans et 1,10 dollar pour un enfant de 3 à 7 ans.
Enfin, estiment les sénateurs, les États-Unis et les autres pays donateurs devraient renoncer à leur aversion pour le DDT, et financer des programmes de petites pulvérisations dans les maisons. Ce pesticide a permis d’éliminer le paludisme aux États-Unis et il reste le moyen le plus efficace et le moins cher de l’éliminer en Afrique.
Le plaidoyer des sénateurs a joué un rôle important, mais le geste décisif est venu de la Maison Blanche. Selon la nouvelle politique de l’administration Bush, plus de 40 % de l’aide accordée pour la lutte contre le paludisme seront dépensés pour les moustiquaires et les médicaments. L’administration espère persuader le Congrès de tripler le programme actuel et de le porter à 300 millions de dollars en 2008. En liaison avec d’autres donateurs, elle se donne pour objectif de diminuer de moitié le nombre des morts dans quinze pays africains, et d’obtenir des résultats dès cette année en Ouganda, en Angola et en Tanzanie.
Parallèlement, des donateurs comme la Banque mondiale et le Fonds mondial devraient eux aussi relancer leurs programmes. La Banque a approuvé pour 130 millions de dollars de projets en Afrique en 2005 et compte arriver en 2010 à un financement de l’ordre du milliard de dollars. Le Fonds mondial, créé en 2002 pour collecter les dons, s’en remet généralement aux gouvernements africains pour les achats, mais les autorités locales ne se sont pas toujours montrées à la hauteur.
En août 2005, par exemple, le Fonds a suspendu les versements à l’Ouganda de ses 367 millions de dollars d’aide après des rumeurs de demandes de pots-de-vin, puis les a repris après une mise au point du gouvernement de Kampala. Mais ce dernier n’a toujours pas passé commande des moustiquaires. Le Fonds étudie maintenant la possibilité de les livrer directement au lieu de donner au gouvernement l’argent pour les acheter.
Cent mille personnes, surtout des enfants, meurent chaque année du paludisme dans ce pays. Depuis le début de 2006, les États-Unis procèdent à des essais de pulvérisation d’insecticide à l’intérieur des maisons dans une région test. Ils font également traiter les 700 000 moustiquaires que l’Ouganda possède déjà et en achètent 400 000 autres, à 5,75 dollars l’unité, dont l’imprégnation doit tenir cinq ans.
Beaucoup d’incertitudes demeurent. L’Usaid a mis aux enchères un contrat de 150 millions de dollars sur cinq ans pour la pulvérisation d’insecticide dans les maisons. Le ou les gagnants devraient être connus avant fin août. Beaucoup d’intéressés font remarquer qu’une telle relance n’est pas la panacée. Il faudra beaucoup plus que des moustiquaires et des pulvérisations d’insecticide pour « faire reculer » le paludisme. Il faudra surtout que les Africains puissent à l’avenir organiser eux-mêmes le combat contre le palu. L’agence prévoit d’ailleurs la formation de personnels locaux. Comme le dit Regina Rabinovich, de la Fondation Bill et Melinda Gates : « Tout est possible, un formidable impact comme un échec retentissant. »

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