Enlèvement ou capture ?

Publié le 7 août 2006 Lecture : 3 minutes.

Que s’est-il exactement passé en ce funeste mercredi 12 juillet, qui a vu des combattants du Hezbollah faire prisonniers deux soldats israéliens ? Où l’opération a-t-elle eu lieu, au nord d’Israël ou au sud du Liban ? Les réponses à ces questions sont lourdes de conséquences, mais les versions des faits restent très contradictoires.
Du côté libanais, on soutient que les deux soldats ont été capturés en territoire libanais, dans la région de Aïta al-Chaab, proche de la frontière israélienne, où ils s’étaient introduits par inadvertance – ils venaient de rejoindre leur unité et ne connaissaient pas encore le terrain – ou, peut-être, délibérément. Les deux hommes auraient donc violé la souveraineté du Liban – comme Tsahal en a d’ailleurs l’habitude, surtout par voies maritime et aérienne – et commis ainsi un acte de guerre. Cet affront appelait une réponse adéquate de la part des Libanais, qui n’a pas tardé.
Le Hezbollah était-il cependant autorisé à réagir de son propre chef ? Là aussi, les positions divergent, mais du côté libanais cette fois. Certains pensent que le Parti de Dieu, qui se considère toujours en guerre contre Israël, a bien fait de s’attaquer au convoi militaire israélien. D’autant qu’il avait maintes fois averti les Israéliens qu’il n’hésiterait pas à faire des prisonniers parmi leurs soldats, « si ceux-ci venaient à s’introduire au Liban », comme il tenait à le préciser, afin de pouvoir les échanger contre des détenus libanais dans les geôles israéliennes, tels que Samir al-Kantar, emprisonné depuis 1978, Nassim Nisr et Yahia Skaff, incarcérés depuis 1982.
D’autres, hostiles au Hezbollah, pensent que ce dernier n’aurait pas dû se faire justice lui-même en lieu et place de l’État libanais, même si cet État n’a pas encore été complètement rétabli depuis la fin de la guerre civile en 1990. Selon eux, le Hezbollah aurait dû informer le gouvernement, où il est lui-même représenté, du mouvement à la frontière du pays et s’en remettre à sa décision. L’ampleur de la riposte israélienne à la capture du soldat Gilad Schalit par des combattants du Hamas, à Gaza, n’a-t-elle pas été suffisamment dissuasive à cet égard ?
Du côté de Tel-Aviv, on soutient que « l’enlèvement » a eu lieu en territoire israélien. Les combattants du Hezbollah auraient utilisé des échelles pour franchir la barrière électrifiée érigée à la frontière, avant de s’introduire quelque deux cents mètres à l’intérieur d’Israël pour attaquer une patrouille de Tsahal et « enlever » les deux soldats restés en vie. Il s’agirait donc, selon les termes utilisés par le Premier ministre Ehoud Olmert, d’un « acte de guerre » qui justifierait, à ses yeux, les bombardements intensifs du Liban par l’aviation israélienne.
C’est cette version, pour le moins discutable, car encore discutée, qui a été reprise en chur par les médias du monde entier*. Trois semaines après le début de l’offensive israélienne, qui a déjà fait quelque 900 victimes parmi les civils, certains de ces médias, qui ne sont pas forcément pro-israéliens, continuent de parler de « riposte israélienne à l’attaque du Hezbollah », de « représailles », de « punition », puisant exclusivement dans le lexique de l’autodéfense.
Plusieurs journaux libanais, comme L’Orient-Le Jour, ont repris à leur compte, sans vérification auprès du Hezbollah, l’argument israélien selon lequel les hostilités ont été provoquées par l’attaque de la milice chiite. Tombés eux aussi dans le panneau, certains hommes politiques arabes, comme le président égyptien Hosni Moubarak et le roi Abdallah d’Arabie saoudite, ont été jusqu’à reprocher au Hezbollah d’avoir embarqué le Liban et toute la région dans « une aventure désastreuse ».
Pourquoi n’a-t-on pas cherché à comprendre ce qui s’était réellement passé le 12 juillet à la frontière israélo-libanaise ? Et, surtout, de quel côté de la frontière ? La censure militaire israélienne, qui a éludé complètement la question, n’a pas eu de mal à imposer sa version des faits, même si elle n’est pas parvenue à étayer ceux-ci par des preuves matérielles irréfutables. La suspicion dans laquelle ces médias tiennent le Hezbollah et l’autocensure habituelle sur tout ce qui se rapporte à Israël ont fait le reste.

* L’agence de presse israélienne Aroutz Sheva situe « l’enlèvement » vaguement « à la frontière avec le Liban ». On peut penser que s’il avait eu lieu en territoire israélien, Tel-Aviv l’aurait crié sur tous ?les toits, preuves à l’appui.

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