Un parfum de guerre froide
Bouteille à moitié vide ou à moitié pleine ? Apparemment, ce sommet de Charm el-Cheikh a été un coup pour rien. Pas de condamnation après la réélection de Robert Mugabe. Pas de sanctions. Et l’appel à la création d’un gouvernement d’unité nationale est suffisamment vague pour laisser au chef de l’État zimbabwéen tout loisir de négocier à sa main, en ne laissant que des miettes à l’opposition. Un signe ne trompe pas : le régime de Harare se félicite de la résolution de l’UA alors que Morgan Tsvangirai la rejette.
Mais il s’est passé deux choses inédites lors du huis clos entre chefs de délégation. D’abord, cette sortie du Botswana. Son vice-président, Mompati Merafhe, a osé réclamer l’exclusion du Zimbabwe de l’UA et de la SADC devant Robert Mugabe ! On imagine la rage de l’intéressé Ensuite, cette passe d’armes entre le Nigeria et le Zimbabwe. Le chef de la diplomatie nigériane, Chief Ojo Maduekwe, a lâché : « Le second tour de la présidentielle ne reflète pas la volonté du peuple zimbabwéen. » Réponse de Robert Mugabe : « La dernière présidentielle au Nigeria ne s’est pas mieux passée. »
En fait, à Charm el-Cheikh, une ligne de fracture est apparue entre les tenants de la Realpolitik et ceux de la « démocratie d’abord ». D’un côté, l’Afrique du Sud et le Gabon ont milité en faveur d’une solution à la kényane, qui préservera le fauteuil de Robert Mugabe pour cinq ans. « Il a été élu, il a prêté serment, alors il est président. Ils ont fait des élections, je crois qu’il les a gagnées », a déclaré un Omar Bongo Ondimba quelque peu provocateur dès le premier jour du sommet. De l’autre, la Zambie et le Sénégal ont clairement souhaité que les Zimbabwéens revotent. « Vous ne pouvez pas ignorer une force politique qui est arrivée en tête au premier tour », a lancé Wade à Mugabe pendant le fameux huis clos du 1er juillet. En privé, le chef de l’État sénégalais a confié : « Je ne pouvais pas faire plus. » Sous-entendu : « Ce n’est pas l’envie qui me manquait. »
Avec Charm el-Cheikh, l’Union africaine renoue avec une vieille tradition. Celle des sommets de l’OUA où l’on se disait ses quatre vérités. Dans les années 1960 et 1970, pendant la guerre froide, les chefs d’État africains se traitaient de « valet de l’impérialisme » et de « stalinien », y compris à la tribune. Aujourd’hui, les enjeux ne sont plus les mêmes, bien sûr, mais la parole se libère à nouveau. Signe que le célèbre syndicat des chefs d’État africains n’est plus une forteresse imprenable.
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