Mugabe, l’Afrique et l’Occident

Publié le 7 juillet 2008 Lecture : 2 minutes.

Les semaines passent et le Zimbabwe continue de s’enfoncer dans la crise. Au coeur de cette dernière, Robert Mugabe, 84 ans dont vingt-huit passés au pouvoir. Comrade Bob, c’est Janus : ange et démon, héros et tyran. Question de point de vueÂ
Certains voient encore en lui le combattant de la libération qu’il a été, celui qui a mis les Blancs dehors. Le critiquer confine au blasphème ; exiger son départ, c’est se faire le porte-parole d’un Occident qui veut prendre sa revanche et maintenir l’Afrique sous sa coupe. Quels que soient ses fautes et ses crimes, Mugabe est intouchable.
Pour d’autres, il représente au contraire l’incarnation du mal, le pire des dictateurs. Il faut à tout prix l’écarter du pouvoir, par la force si nécessaire. Un discours tenu par Tony Blair puis Gordon Brown, George Bush ou Condi Rice.
Entre ces extrêmes, la vérité : cette icône des indépendances africaines s’est muée au fil des ans en despote solitaire et violent qui a conduit son pays au bord de l’abîme. Sa seule perspective : mourir au pouvoir.

Le 11e sommet de l’Union africaine (voir pp. 46-48) a illustré, à quelques exceptions près, cette répugnance des chefs d’État du continent à céder aux injonctions d’un Occident volontiers donneur de leçons et accusé de parti pris. Plus l’ancienne puissance coloniale qu’est la Grande-Bretagne vocifère et étale au grand jour son obsession anti-Mugabe, plus elle irrite présidents et opinions publiques. Plus les « cousins américains » s’arrogent le droit de décider qui est bien ou mal élu, qui doit quitter le pouvoir ou le conserver – en vertu de critères à géométrie trop variable pour être acceptés -, moins ils parviennent à convaincre.

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Autant d’arguments qui auraient dû inciter les dirigeants africains à prendre, enfin, leurs responsabilités. On ne peut vouloir s’affranchir d’un Occident jugé partial, subjectif ou arrogant, déclarer que l’Afrique doit se prendre en main et ne rien faire pour régler le « cas Mugabe ». L’UA avait là l’occasion rêvée de répondre à ceux qui la décrivent comme un vulgaire et inutile club de rencontre pour chefs d’État. Une gestion sincère, engagée, raisonnable et concertée de la crise zimbabwéenne aurait fait jurisprudence. Nos chefs d’État ont préféré botter en touche plutôt que de soulever le seul problème qui vaille : la légitimité d’un leader du passé, (ré)investi à l’issue d’élections dévoyées. En ce sens, oui, le sommet de Charm el-Cheikh aura bien été une faillite africaine.

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