Restitutions : face à Emmanuel Macron, l’enthousiasme mitigé de Patrice Talon

Reçu à l’Élysée à l’occasion de la signature de l’acte de transfert de propriété des œuvres pillées pendant la colonisation, Patrice Talon, tout en saluant un « premier pas », a regretté le faible nombre effectif d’œuvres restituées par la France. Emmanuel Macron a annoncé vouloir « l’élaboration, à terme, d’une loi-cadre ».

Le président béninois Patrice Talon et son homologue français Emmanuel Macron, le 9 février 2021 à l’Élysée. © DR / Présidence de la République française

Le président béninois Patrice Talon et son homologue français Emmanuel Macron, le 9 février 2021 à l’Élysée. © DR / Présidence de la République française

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Publié le 9 novembre 2021 Lecture : 3 minutes.

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Art africain : le long chemin des restitutions

Le retour et l’exposition au Bénin de 26 pièces royales, pillées dans les palais d’Abomey en 1892, sont une étape importante du processus de restitution des œuvres d’art africaines par les anciennes puissances coloniales. Mais il reste beaucoup à faire.

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Après le très médiatique évènement organisé au musée du quai Branly le 27 octobre dernier, les 26 œuvres pillées par les troupes du colonel Dodds en 1892 dans les trésors royaux d’Abomey vont, enfin, prendre le chemin de Cotonou. Les statues, trônes et autres récades – symbole du pouvoir royal – soigneusement emballés, prendront l’avion ce mardi 9 novembre. Pour l’occasion, le président béninois a fait le déplacement jusqu’à Paris, où il a été reçu par son homologue français à l’Élysée. Les deux hommes ont assisté à la signature de l’acte de transfert de propriété par Jean-Michel Abimbola et Roselyne Bachelot, les ministres béninois et français de la Culture.

Lors de la courte prise de parole des deux chefs d’État, à l’issue de cette symbolique signature, Patrice Talon n’a pas hésité à se montrer pour le moins offensif, tout en prenant garde à conserver une tournure diplomatique lorsqu’il s’est adressé au président français.

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Enthousiasme mesuré

« Il est regrettable que cet acte ne soit pas de portée à nous donner entièrement satisfaction. Comment voulez-vous qu’à mon départ d’ici, avec les 26 œuvres, mon enthousiasme soit total, pendant que le dieu Gou, œuvre emblématique, dieu des métaux et des forges, que la tablette du Fa, œuvre mythique, et encore beaucoup d’autres, continuent d’être détenues ici, en France, au grand dam de leur ayant droit ? », a lâché le président béninois, entre deux regards échangés avec son homologue français.

Je l’ai espéré, j’ai désespéré, je me suis accroché, j’ai prié tous les dieux, tous nos ancêtres

Le message est clair, même si Patrice Talon a immédiatement pris soin de reprendre : « Mais est-ce que désormais l’espoir n’est pas permis ? Si, monsieur le président. L’espoir du retour au pays de ces œuvres que je viens de citer, et des autres, est désormais permis, grâce à vous. »

Ces centaines d’œuvres toujours conservées dans les musées occidentaux, notamment français, ne sont pas seulement un « bien culturel », a insisté le président béninois, « c’est beaucoup plus que cela, c’est notre âme ». Et d’ajouter, dans une envolée lyrique inattendue : « L’émotion qui m’étreint ce matin est dévastatrice parce que je l’ai espéré, j’ai désespéré, je me suis accroché, j’ai prié tous les dieux, tous nos ancêtres pour que vous soyez bien inspiré. »

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Future loi-cadre

Emmanuel Macron avait, avant lui, résumé les nombreux épisodes de ce parcours du combattant qu’a représenté la restitution de ces œuvres. Une demande formulée par le gouvernement béninois en 2016 et rejetée d’un revers de main par les autorités françaises. Le Premier ministre d’alors, Jean-Marc Ayrault, avait alors assuré que la restitution n’était « pas possible » en raison, arguait-il, des « principes d’inaliénabilité, d’imprescriptibilité et d’insaisissabilité » des biens relevant du domaine public français. Le président français a également rappelé avoir pris l’engagement, lors de son discours de Ouagadougou en 2017, de « rendre possible les restitutions temporaires et définitives ».

Évoquant Bénédicte Savoy et Felwine Sarr, les auteurs du rapport censé poser le « cadre intellectuel d’une doctrine en matière de restitution », Emmanuel Macron a affirmé « souhaiter que ce mouvement se poursuive ». Il a ainsi annoncé avoir demandé à Jean-Luc Martinez, ambassadeur pour la coopération internationale dans le domaine du patrimoine, de mener la « réflexion sur les critères de restitution en vue de l’élaboration, à terme, d’une loi-cadre ». Sans doute la promesse d’un nouveau – très long – parcours en perspective, avant que les paroles ne deviennent des actes.

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