Et si Paris s’intéressait vraiment à la jeunesse africaine ?
Annoncée lors du sommet de Montpellier, en octobre dernier, la création d’une maison et d’un fonds spécifiques pour les diasporas n’aidera pas les jeunes Africains à se réaliser. Il faut en priorité revoir le modèle de formation qui leur est proposé.
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Soufyane Frimousse
Maître de conférences, Université de Corse, chercheur associé à Essec Business School Paris et à HEC Montréal.
Publié le 10 novembre 2021 Lecture : 3 minutes.
Le président Macron et son équipe ont placé la jeunesse au centre de la politique africaine de la France. Cette jeunesse, qui frôlera 2 milliards d’habitants en 2050, était ainsi au cœur du sommet Afrique-France à Montpellier en octobre dernier, devant des milliers de participants issus des diasporas et des sociétés civiles africaines.
L’Élysée sait que miser sur elle, c’est miser sur l’avenir du continent et de l’Europe ! Au-delà des discours, des mises en scène et des annonces, qu’a-t-on véritablement eu à proposer à cette jeunesse ? La création d’une maison commune Afrique-diasporas à Paris ou le lancement d’un fonds spécifique pour les diasporas peuvent-ils réellement leur suffire ? Pas si sûr.
L’Afrique sans les Africains
Il ne peut y avoir de renouveau dans la relation Afrique-France sans une réflexion profonde sur la formation du capital humain ! Certes, on parle d’école numérique, d’école inversée… Mais ces projets visent toujours à répondre aux besoins du marché et de la division internationale imposée du travail ! Dans le système économique actuel, on voit l’Afrique sans les Africains.
Nous continuons d’évoluer dans un monde organisé par les grandes puissances pour servir leurs seuls intérêts. L’idéal pour la jeunesse africaine est de tenter non pas de renverser ou de se déconnecter – car c’est impossible –, mais plutôt de rééquilibrer le rapport. On ne peut plus demander à la jeunesse Africaine de s’ajuster aux besoins des Européens, des Chinois et des Américains. Il lui en faut plus. Elle doit pouvoir obtenir davantage !
Le développement à long terme exige également un investissement marqué dans le capital humain
Cela ne sera possible que si l’on questionne le modèle de formation qui lui est proposé. Il faut s’intéresser au contenu des programmes, à la langue d’enseignement, aux innovations proposées, mais aussi à la fonction des systèmes éducatifs, voir en quoi ceux-ci constituent un instrument de développement culturel, économique et technique plutôt qu’un moyen de promotion, de reproduction sociale et de pérennisation des dominations.
Deux visions, deux directions
Investir dans les infrastructures et industrialiser ne suffisent pas au développement ! Le développement à long terme exige également un investissement marqué dans le capital humain. La jeunesse africaine désire avoir accès au savoir et à des technologies qui lui fournissent des outils qui s’adressent à la majorité de la population et non pas uniquement à une élite marginalisée mais puissante. Les jeunes souhaitent que les moyens d’information et d’éducation les mettent en valeur et les encouragent, plutôt que de les dévaloriser.
Si la France souhaite réellement accompagner l’essor de l’Afrique, elle doit prendre en compte les aspirations réelles de la jeunesse, aller là où cette dernière se forme, et favoriser l’émergence de la contribution africaine dans un monde devenu multipolaire. La finalité étant de participer au progrès de la société en l’impactant positivement.
En fait, deux visions, deux directions s’opposent. Faire de cette jeunesse des profils immédiatement employables – vision extrêmement réductrice et destructrice – Ou la former à la vie et à la société. L’Afrique a besoin de citoyens qui pensent et non pas uniquement de citoyens qui produisent et consomment.
L’Europe, la Méditerranée et l’Afrique ont besoin de projets communs pour relever les défis mondiaux
La France doit soutenir les initiatives de formation concrètes, sources de développement local, de lien social, d’amélioration de la qualité de vie. Il y va de son intérêt car le futur de l’Europe se joue aussi en Afrique. En 2050, plus de 25 % de la population mondiale sera africaine et moins de 5 %, européenne.
L’Europe, la Méditerranée et l’Afrique ont besoin de projets communs pour relever les défis mondiaux. Il nous faut une véritable école de pensée dont le leitmotiv est de faire avec et pour la jeunesse africaine, non pas contre elle et sans elle. L’enjeu, c’est de faire en sorte que toutes les jeunesses – y compris celles des classes populaires, accèdent à l’enseignement de haut niveau élitiste ! L’élite mais pour tous !
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