Ce qui attend Ouyahia

Révision de la Constitution, lutte contre la corruption et l’argent sale, poursuite de la lutte antiterroriste, achèvement des grands travaux, préparation de la rentrée scolaire et sociale… Le nouveau Premier ministre a du pain sur la planche.

Publié le 7 juillet 2008 Lecture : 4 minutes.

Pas de vacances estivales pour Ahmed Ouyahia et ses trente-cinq ministres. Nommé le 23 juin en remplacement d’Abdelaziz Belkhadem, le chef de l’exécutif a aussitôt mis la main à la pâte. Révision de la Constitution, lutte contre la corruption et l’argent sale, poursuite de la lutte antiterroriste, achèvement des grands travaux (autoroutes, métro, tramways, barragesÂÂ), préparation de la rentrée scolaire et sociale, les dossiers sont nombreux et complexes.
Bourreau de travail et commis dévoué, Ouyahia a le profil idéal, dit-on, pour remédier aux carences et corriger les erreurs et les errements de son prédécesseur, dont le passage au Palais du gouvernement a été marqué par l’inertie. « Avec Belkhadem, ce n’était plus de l’immobilisme, mais de la paralysie, explique Djoudi Mondji, député et vice-président du groupe parlementaire du Rassemblement national démocratique (RND). Ouyahia a de l’expérience et travaille beaucoup. Ceux qui ne le craignent pas le respectent. Avec lui, tout va changerÂÂ » Vraiment ?
D’emblée, il annonce la couleur. Le 28 juin, il réunit son équipe pour un premier conseil du gouvernement et s’empresse de faire passer un message ferme : ministres, responsables des institutions, cadres des administrations centrales et locales, patrons d’entreprises publiques, tout le monde doit se remettre au travail. Et au pas de charge, s’il vous plaît.

Le temps presse
À moins de dix mois de l’élection présidentielle d’avril 2009, à laquelle le président Bouteflika envisage de se présenter pour un troisième mandat – à condition de réviser l’actuelle Constitution qui limite à deux le nombre de mandats présidentiels -, le temps presse. Persistance du terrorisme, grogne sociale, grèves et débrayages récurrents, attentes d’une jeunesse déboussolée, retard dans la livraison de grands projets, c’est peu dire que l’Algérie de 2008 tourne au ralenti. En dépit des milliards de dollars qui se déversent dans les caisses de l’État – les réserves de change ont franchi la barre des 110 milliards de dollars ! -, les Algériens font grise mine. La mission d’Ouyahia ? Remettre le pays sur les rails, défendre le bilan du second mandat de Bouteflika et faire en sorte que les promesses électorales de ce dernier soient tenues. Autant que faire se peut en tout cas…
Premier chantier du nouveau Premier ministre, la révision de la Constitution. Objet de diverses spéculations, elle aura bel et bien lieu. Quand ? Si la date reste du seul ressort du président, la révision de la Loi fondamentale se fera au plus tard au début de l’automne prochain, croit savoir un membre de l’entourage d’Ouyahia. Comment ? Pour l’heure, rien n’est encore tranché. Deux options sont à l’étude. La première consiste à faire adopter les nouveaux amendements par l’Assemblée nationale populaire et le Sénat avant de les soumettre à un référendum populaire. La seconde se limiterait à les faire adopter par les représentants des deux Chambres sans passer par la case référendum. Cette seconde option offre de multiples avantages : simplicité, efficacité, gain de temps et d’argent. « L’organisation d’une consultation populaire nécessite de l’argent, des moyens, ainsi que la mobilisation de l’administration et de toutes les forces de sécurité, explique un fin connaisseur des arcanes du pouvoir. Par ailleurs, il faudrait convaincre les Algériens d’aller aux urnes. Au vu de la désaffection des électeurs lors des précédents scrutins, un référendum pourrait être un pari très risqué. » Soit, mais réviser la Constitution ne garantira pas forcément la paix sociale.

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Front social
Deuxième priorité, donc : préparer la rentrée sociale. Ahmed Ouyahia sait que la tâche est difficile. « Il y a un volume de travail incomparable par rapport aux années précédentes », a-t-il admis devant un parterre de journalistes. Cherté de la vie, pénurie d’eau, détérioration de la voirie, moyens de transport et distribution de logements insuffisants… les défis et les besoins ne manquent pas. C’est qu’en dépit de la bonne santé financière du pays les Algériens estiment que les problèmes de leur vie quotidienne demeurent. Les produits de première nécessité – lait, semoule, huile, pain, pommes de terre sont de plus en plus chers, quand ils ne sont pas carrément indisponibles. Bien sûr, le smic a déjà été relevé à hauteur de 12 000 dinars (environ 120 euros), et les salaires dans de nombreux secteurs de la fonction publique ont été revalorisés, mais le niveau de vie – conjoncture internationale oblige – ne progresse pas. Comment dès lors calmer le front social ? Procéder à de nouvelles augmentations ? Ouyahia s’y est déjà opposé par le passé et continue de refuser de jouer les Pères Noël. Engager des discussions avec le principal syndicat du pays, l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA), de l’inamovible Sidi Saïd ? Ce dernier s’est déjà dit disposé à travailler avec le nouvel exécutif, mais cela suffira-t-il à prévenir les grèves et autres débrayages qui polluent le climat social ? Rien n’est moins sûr, surtout que de nouveaux syndicats, plus autonomes, plus agressifs et moins malléables que l’UGTA, ont pris une place prépondérante sur l’échiquier social. Ahmed Ouyahia acceptera-t-il de convier enfin à la table des négociations des syndicats que son prédécesseur a obstinément refusé de reconnaître ? Voire.
Troisième priorité : l’achèvement des grands projets inscrits dans le plan quinquennal (2004-2009) du président Bouteflika. Au lendemain de sa réélection, en avril 2004, il avait promis de doter le pays d’infrastructures à la hauteur de ses ambitions et des attentes de la population : une autoroute est-ouest, un métro dans la capitale, un tramway à Alger, Oran et Constantine, ainsi que un million de logements pour en finir avec la crise de l’habitat. Malgré de réelles avancées, ces vastes chantiers ne seront pas tous livrés avant la présidentielle d’avril 2009. Ahmed Ouyahia réussira-t-il là où son prédécesseur a échoué ?

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