Un héritier pour Savimbi

Publié le 7 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

Isaias Ngola Samakuva a été élu à plus de 70 % des suffrages, le 27 juin, président de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (Unita). Il a déjoué tous les pronostics. Donné vainqueur, le « successeur naturel » Paulo Lukamba Gato, l’ancien secrétaire général devenu président du parti par intérim après la disparition du « père-fondateur » Jonas Savimbi, suivie de celle du vice-président Antonio Sebastiao Dembo, s’est retrouvé battu.
Teint noir éclatant, visage massif, moustache et barbe taillées en forme de « O », Samakuva a tous les traits des Ovimbundus, ce groupe majoritaire en Angola, implanté dans la région des Hauts-Plateaux, au centre du pays. Certains trouvent au nouveau président de l’Unita une ressemblance physique avec Savimbi, mort au combat le 22 février 2002. Les deux hommes ont la même forte carrure, sont de la même ethnie et proviennent de la même province de Bié.

LSB, comme on l’appelle en référence à son nom de guerre Lissumbissa, arbore aujourd’hui, à 57 ans, la casquette de chef de file de l’ex-mouvement rebelle.
Le style d’Isaias Samakuva est ainsi fait qu’on ne le voit jamais venir. De l’avis unanime de ses « camarades », il doit son imprévisible ascension à un art : cacher la forte ambition dont il a toujours brûlé par un calme et une discrétion à toute épreuve. Une façon d’être que tous ceux qui le connaissent expliquent par la stricte éducation chrétienne qu’il a reçue d’un père pasteur.

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Henrique Ngola Samakuva a démissionné de son poste de fonctionnaire à la sous-préfecture de Silva Porto-Gare pour se mettre au service de la Mission évangélique de Camundongo en 1950, avant de devenir professeur de théologie en 1953 et d’être ordonné prêtre un an plus tard. Motif de ce changement de cap : il ne supporte plus d’être témoin des brimades que l’administration (coloniale) fait subir à ses compatriotes. Isaias grandit donc dans un univers d’engagement politique, et fait ses études primaires et secondaires dans les missions catholiques de Camundongo, Chissamba et Huambo. Avant d’entrer à l’école technique de l’Institut de Dôndi-Bela Vista en 1962, puis, en 1964, à l’École industrielle et commerciale de Bié. Il intègre l’armée portugaise en 1967, se met en disponibilité pour reprendre les études deux ans après, se fait embaucher à la Mutualité de Huambo, puis à l’Institut du travail.
Au lendemain du renversement du régime de Salazar à Lisbonne, en avril 1974, il devient un sympathisant de l’Unita. La guerre civile consécutive à la proclamation, le 11 novembre 1975, de l’indépendance de l’Angola renforce son engagement dans le mouvement. Très vite, il gravit les échelons : incorporation dans les Forces armées de libération de l’Angola (troupes de l’Unita) en 1976, membre du comité central et du comité exécutif en 1984, directeur de la logistique en 1985, directeur du cabinet de Savimbi en 1986, trésorier général cumulativement avec les fonctions de représentant au Royaume-Uni en 1989.

Au début de la décennie quatre-vingt-dix, des négociations de paix s’engagent avec le gouvernement de Luanda, sous la supervision des Nations unies. Cultivé, polyglotte (il parle l’anglais, le français et, naturellement, le portugais) et « surformé » à l’École des études diplomatiques et stratégiques de Paris et en sciences politiques à l’Open University britannique, Samakuva est coopté, dès 1992, parmi les membres de la délégation de l’Unita aux négociations.
Puis placé, de 1994 à 1998, à la tête des représentants du mouvement à la commission conjointe chargée de l’application de l’accord de paix de Lusaka du 20 novembre 1994. Le fiasco de celui-ci l’incite à quitter Luanda, dans des conditions périlleuses, en 1998. Il apprend, à Lisbonne, que le gouvernement britannique lui interdit d’atterrir à Londres où se trouvent pourtant son épouse Albertina et ses cinq enfants. Il échoue à Paris pour diriger la Mission externe du parti, alors que sa famille est soumise à des tracasseries résultant des sanctions de l’ONU contre les dirigeants de l’Unita (gel des comptes, restrictions de déplacements…). À la mort de Savimbi, en 2002, il retourne à Luanda et brigue victorieusement sa succession.
Aujourd’hui à la tête de l’Unita, Samakuva a été élu sur la base d’une promesse : la modernisation du parti. Un credo dont il a donné un avant-goût dans sa campagne électorale (en envoyant des e-mails pour solliciter le vote des délégués au congrès et en faisant des insertions dans la presse angolaise et internationale). Il doit également élargir l’électorat de l’Unita en vue des échéances électorales de 2004-2005. Avant de rêver d’un destin national, étant désormais le candidat naturel de sa formation à la future présidentielle.

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