Trafic d’art à Bruxelles

Africalia, manifestation africaine en Belgique, met à l’honneur les plasticiens du continent. Entre revendication et humour.

Publié le 8 juillet 2003 Lecture : 2 minutes.

Il ne faudrait se laisser abuser ni par le titre de l’exposition, ni par l’affiche qui montre cinq joueurs se prosternant devant un ballon rond, Transferts n’a rien de footballistique. Orchestrée par Africalia dans le cadre de la saison africaine qui bat son plein en Belgique depuis mars dernier, cette manifestation réunit vingt-sept artistes contemporains de différentes générations. On y découvre ou redécouvre des créateurs confirmés comme l’Ivoirien Frédéric Bruly Bouabré ou plus jeunes comme les quatre photographes du collectif DOF (Depth of Field) tout droit venu de Lagos. Privilégiant une grande diversité des supports (photo, installation, vidéo, sculpture, dessin, etc.), les plasticiens présentés au Bozar à Bruxelles témoignent des « mutations qui, quotidiennement, impriment leurs marques sur nos sociétés et modifient en profondeur l’être humain », explique Toma Muteba Luntubue, commissaire de cette riche exposition qui s’articule autour de deux thématiques : la mort de l’altérité et l’accélération de l’histoire. S’ils sont pour la plupart africains, sans forcément vivre sur le continent qui les a vu naître, leurs oeuvres (souvent inédites) transcendent cette appartenance géographique et interrogent tous les urbains de la planète, qu’ils habitent Abidjan, Paris, Le Caire ou New York.
Et questionner, c’est justement ce à quoi s’emploie pas moins de soixante-dix fois la vidéo Marocaine à deux dimensions de Brahim Bachiri, qui, pour lutter contre l’amnésie collective, demande avec lancinance au spectateur : « Dans quel cimetière est enterré Malik Oussékine ? Combien de personnes ont-elles été contaminées par le virus du sida ? Combien d’enfants sont morts durant l’Intifada ? » La guerre, la violence et les exils involontaires sont très présents dans Transferts. Le conflit du Moyen-Orient s’inscrit au coeur de l’oeuvre du Malien Abdoulaye Konaté, qui s’impose en faiseur de paix avec son Gris-gris pour Israël et la Palestine, une pièce en toile d’une dizaine de mètres de long réunissant drapeau hébreu et keffiehs noir et blanc. Une vie meilleure, voilà le but que poursuivent les réfugiés congolais en Afrique du Sud, et dont Sue Williamson dresse d’émouvants portraits-parcours dans sa série de photos intitulée Better Lives. On retiendra aussi l’installation son et vidéo d’Ingrid Mwangi, jeune Kényane installée en Allemagne, qui a choisi de nous faire réfléchir sur la violence sans la montrer, mais en nous dévoilant son effet sur les visages de ceux qui la voient. C’est une tout autre forme de violence, plus insidieuse, qui sourd des photos noir et blanc de Hicham Benohoud, professeur d’art plastique dans un collège de Marrakech. Leur auteur confesse d’ailleurs « abuser de son autorité » en obligeant tous ses élèves à prendre à tour de rôle d’étranges poses. C’est ainsi qu’on les voit bâillonnés, enveloppés dans du papier ou simulant la mort le temps d’un clic. Ce qui étonne le plus ici, c’est la soumission et la docilité muette de ces enfants. Et l’on se surprend à rêver de réduire le quotient de servilité… Pour nous dérider, heureusement, il y a les Browning Madonnas de Godfried Donkor qui étalent toute leur vénalité sur les pages boursières du Financial Times, et Wir, une série de photos non dénuées d’humour signées Aimé Ntakiyica.

Transferts, jusqu’au 14 septembre, Bozar, Palais des Beaux-Arts, 23, rue Ravenstein, 1000 Bruxelles. Du mardi au dimanche de 10 heures à 18 heures, jeudi jusqu’à 21 heures.

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