Quand Juifs et Arabes se parlent

Publié le 7 juillet 2003 Lecture : 2 minutes.

Il s’est produit récemment à Paris un événement plutôt insolite, dont la presse française a, fort légitimement, souligné l’importance. Le 10 juin dernier, lors d’une soirée au Bataclan, le président de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), Patrick Klugman, a réuni des personnalités juives et arabes autour d’un slogan qu’il s’efforce de faire passer dans la communauté juive, et au-delà : « Sioniste et propalestinien ». L’UEJF s’était associée, pour l’occasion, avec la Convention laïque pour l’égalité des droits (CLE), mouvement lancé par Yazid Sabeg, chef d’entreprise d’origine musulmane.

Dans le contexte français et international actuel, comment ne pas se réjouir de toute initiative permettant à des Juifs et à des Arabes de se parler, de s’écouter mutuellement, et de chercher ensemble les voies de la paix, tant dans la société française qu’au Proche-Orient ? Mais en lisant les comptes- rendus qu’une partie de la presse a faits de cette rencontre, il est permis de se poser quelques questions sur sa portée véritable.
Un proverbe de chez nous dit que « l’enfer est pavé de bonnes intentions ». Loin de moi l’idée de vouloir vouer quiconque au châtiment du feu éternel ! Bien au contraire, tous ceux qui s’efforcent d’établir – ou de rétablir – des liens de confiance, de respect mutuel, de solidarité entre des groupes humains qui se sont ignorés ou affrontés méritent, certes, le paradis. Mais, pour être un bienfait, la paix doit être fondée sur la justice. Or, s’il faut en croire Le Monde (12 juin 2003), certains propos tenus lors de cette rencontre judéo-arabe au Bataclan laissent plutôt perplexes.
On doit, en effet, saluer avec gratitude les propos du président de l’UEJF, quand il affirme, courageusement : « Il ne faut pas retirer la main du dialogue, malgré les attentats contre les civils, ou malgré les incursions israéliennes meurtrières. » Mais comment ne pas s’étonner d’autres déclarations faites au cours de cette même réunion ? Par exemple, celle de l’ancien ministre Dominique Strauss-Kahn déplorant « la politique déséquilibrée de la France ». Ce membre éminent du Parti socialiste penserait-il que la politique vraiment « équilibrée » au Proche-Orient est celle de M. Bush ? Ou celle de M. Sharon ?
Quant au député UMP (Union pour un mouvement populaire) Éric Raoult, il a fait, ce jour-là, de sa circonscription une description que le journal Le Monde qualifie fort justement de « curieuse » : « Je suis un élu du Raincy. C’est un peu comme Sarcelles et le département de Seine-Saint-Denis tout autour, c’est un peu comme les Territoires. » Il voulait, je pense, parler des territoires palestiniens occupés. Ignore-t-il donc que, là-bas, un peuple est privé de ses droits depuis un demi-siècle, et qu’à Gaza et en Cisjordanie l’armée tire sur les enfants, ce qui n’est pas le cas chez nous ?

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Juifs et Arabes, chrétiens et musulmans, croyants et incroyants doivent, le plus possible, se rencontrer, chercher à mieux se connaître, travailler ensemble pour la paix. Mais ces nécessaires dialogues doivent prendre en compte toute la réalité et l’affronter loyalement. Sinon, ils en resteront au niveau – trop facile – des bonnes intentions.

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