Notre homme à Islamabad

Les Américains prennent le risque d’accentuer leur soutien à Musharraf.

Publié le 7 juillet 2003 Lecture : 2 minutes.

Pendant sa campagne présidentielle, il y a trois ans, George W. Bush avait été incapable de citer le nom du chef de l’État pakistanais. Aujourd’hui, il ne jure plus que par lui, preuve qu’il ne faut jamais désespérer. Recevant le général Pervez Musharraf, le 20 juin, en sa résidence de Camp David, faveur réservée aux plus sûrs alliés de l’Amérique, le chef de l’exécutif a salué non sans emphase son hôte, cet « homme courageux » qui travaille à « construire un Pakistan moderne, tolérant et prospère ». Sans doute pourrait-il oeuvrer plus activement à l’instauration de la démocratie – lui qui est arrivé au pouvoir, en 1999, à l’issue d’un coup d’État militaire ! -, mais enfin, son bilan apparaît à Bush globalement positif. Ce qui vaut bien une substantielle gratification : les États-Unis accorderont au Pakistan, à partir de 2005, une aide de 3 milliards de dollars sur cinq ans, dont la moitié sera affectée à des dépenses militaires.
En revanche, Musharraf n’a obtenu ni la création d’une zone de libre-échange entre les deux pays, ni la livraison des vingt-huit avions de chasse F-16 achetés et dûment réglés par Islamabad, il y a plus de dix ans. Ces appareils sont en effet capables de larguer des engins nucléaires. Trop risqué dans le contexte de quasi-guerre opposant Islamabad à New Delhi à propos du Cachemire…
La vérité est que, au-delà des éloges de circonstance, les responsables américains ne sont pas très sûrs de la conduite à tenir vis-à-vis de Musharraf. Sur le vaste échiquier de la lutte contre le terrorisme, le Pakistan représente un pion décisif. Et particulièrement menacé. Le soutien américain lui est donc indispensable. Mais son président est dans une position délicate. Une large fraction de la population est acquise aux thèses islamistes. D’une transparence pourtant très relative, les dernières élections législatives, en octobre 2002, ont vu la nette victoire des formations fondamentalistes. Si Musharraf s’avisait de rendre le pouvoir aux civils, le résultat ne ferait aucun doute…
Plus grave, une partie des militaires et des membres des services de renseignements ont des sympathies islamistes et jouent un rôle ambigu dans la lutte contre les réseaux d’el-Qaïda et ce qui reste des talibans – leurs anciens protégés -, en Afghanistan. Certes, une reprise en main partielle a eu lieu, et la collaboration de l’Inter Service Intelligence (ISI) avec le FBI a permis l’arrestation de plusieurs proches de Ben Laden, mais la partie est loin d’être jouée. Par ailleurs, des régions entières, en particulier les « zones tribales » du Nord-Ouest, échappent au contrôle du pouvoir central. À Camp David, Musharraf a promis d’y envoyer des troupes, mais en insistant sur la difficulté de la tâche.
Jamais satisfaits, les Américains, qui sentent se refermer sur eux le piège irakien et souhaitent constituer une « troisième division internationale », demandent aujourd’hui au Pakistan de dépêcher dix mille hommes du côté de Bagdad. Très embarrassé, le chef de l’État n’a pas dit non. Mais il exige du Pentagone qu’il règle au préalable la facture.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires