Les parrains de la paix

Publié le 7 juillet 2003 Lecture : 5 minutes.

Un trio européen. À la mi-juillet, les chefs de la diplomatie française, britannique et belge, Dominique de Villepin, Jack Straw et Louis Michel pourraient se rendre ensemble en RD Congo, en Ouganda et au Rwanda. But de ce périple évoqué pour la première fois le 17 juin dernier : soutenir le processus de paix dans l’ex-colonie belge et conforter l’action de la Force multinationale intérimaire d’urgence – mise sur pied en mai 2003 par le Conseil de sécurité des Nations unies – et placée sous commandement français. Pour Louis Michel, ce n’est pas une première. Depuis sa prise de fonction en juillet 1999, le ministre belge a fait de la RDC l’un des axes de sa politique, irritant plus que souvent le Rwandais Paul Kagamé. C’est Michel qui, dès janvier 2002, réunit à Bruxelles toutes les personnalités politiques congolaises de l’opposition non armée. Par la suite, il a multiplié les voyages dans la région des Grands Lacs. De plus, il a des relations très confiantes avec Joseph Kabila. Enfin, depuis avril 2003, la Belgique, par sa voix, s’est proposée d’offrir son expertise à la formation de la future armée congolaise unifiée devant regrouper toutes les forces militaires. Quant à la France, jadis hostile à Kabila père, elle a fini par adopter le fils. Sous l’impulsion de Paris et en particulier de son ambassadeur aux Nations unies Jean-David Levitte, le Conseil de sécurité de l’ONU a multiplié les résolutions demandant le retrait des troupes étrangères en RDC et commandité des rapports sur le pillage des ressources naturelles qui ont incriminé tous les belligérants. Les efforts diplomatiques de la France dans les Grands Lacs qui se traduisent par les voyages dans la région du vibrionnant Dominique de Villepin sont appuyés « sur le terrain » par Georges Serre, ancien conseiller Afrique d’Hubert Védrine au ministère des Affaires étrangères, nommé ambassadeur en RDC depuis le 10 juillet 2002. Si les relations entre les Français, les Belges et les Rwandais ne sont pas des meilleures, les axes Londres-Kigali et Londres-Kampala fonctionnent à merveille. D’où la présence de Jack Straw dans cette éventuelle mission. Les Britanniques, sous l’influence de l’ex-ministre chargée du Développement international, Clare Short – elle a démissionné en mai 2003 -, ont longtemps accordé à Kigali leur soutien. Ils ont évité un éventuel conflit entre le Rwanda et l’Ouganda. Ils pourront, à l’occasion, demander à Kagamé et à Museveni de faire preuve de plus de bonne volonté dans la recherche de la paix en RDC.

Thabo Mbeki. Outre que les principales étapes du Dialogue intercongolais se sont déroulées chez lui, le président Mbeki a été l’artisan de l’accord de paix signé entre le Rwanda et la RDC le 30 juillet 2002 à Pretoria. Pour obtenir le paraphe de la partie congolaise, le numéro un sud-africain a soumis aux délégués le texte préparé avec Moustapha Niasse, en leur déclarant qu’ils avaient une demi-heure pour le lire et le signer ! Depuis, des observateurs sud-africains ont participé au mécanisme de vérification TPVM (Third Party Verification Mechanism) établi à la suite de cet accord. Cette structure est chargée de désarmer les rebelles hutus basés en territoire congolais et qui menacent la sécurité du Rwanda. Sur l’insistance de Kigali, l’Afrique du Sud a mis beaucoup de moyens dans le conflit : à la fin de 2002, Pretoria avait dépensé pas moins de 4 millions de dollars rien que pour les besoins des négociations congolaises. Le ministre sud-africain du Gouvernement local et provincial, Sydney Mufamadi, a suivi pas à pas le processus, rendant compte régulièrement à son patron de l’avancée des travaux. Enfin, le chef de l’État sud-africain s’est rendu lui-même en RDC en mai 2003 pour y assurer le suivi du processus de paix. Pourquoi tant d’efforts ? Sans doute parce que Thabo Mbeki souhaitait inscrire un succès diplomatique à son palmarès de président en exercice de l’Union africaine. Et confirmer, par la même occasion, le rôle de puissance régionale de son pays.

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William Lacy Swing. Nommé représentant spécial du secrétaire général des Nations unies en RDC le 16 mai 2003, l’Américain William Lacy Swing, successeur du Camerounais Amos Namanga Ngongi, a pris ses fonctions le 1er juillet. Swing, 69 ans, était depuis 2001 représentant spécial de Kofi Annan au Sahara occidental. Avant d’occuper ce poste, il a mené une longue carrière diplomatique qui l’a conduit à assumer les fonctions d’ambassadeur des États-Unis en Afrique du Sud, au Nigeria, au Liberia, au Congo et, surtout, en… République démocratique du Congo. Ce diplomate diplômé du Catawba College en Caroline du Nord et de Yale University est aussi un polyglotte qui parle couramment l’allemand et le français, ainsi que l’afrikaans, le créole et le lingala – une des principales langues de la RDC. « Vieux routier de l’Afrique, il a ses entrées au Pentagone et au département d’État, ainsi qu’à la CIA », précise la journaliste belge Colette Braeckman. C’est d’ailleurs Swing qui, en tant qu’ambassadeur à Kinshasa, profita des obsèques de Kabila père pour transmettre au fils une lettre du président Bush l’invitant à participer à un déjeuner de prières à la Maison Blanche. Déjeuner auquel assista aussi Paul Kagamé.

Amos Namanga Ngongi. Lorsque, en août 2001, Kofi Annan en fait son représentant spécial en RDC en remplacement du Tunisien Kamel Morjane, Amos Namanga Ngongi, diplomate âgé de 58 ans, est depuis 1994 directeur exécutif adjoint du Programme alimentaire mondial. Que retenir de son bilan en RDC ? À son arrivée à la tête de la Mission des Nations unies pour le Congo (Monuc), l’ex-Zaïre était un pays occupé. Au moment où il quitte la RDC, il n’y a officiellement plus de troupes étrangères et le processus de paix suit son chemin. Reste que la région de l’Ituri est encore plongée dans des violences cycliques. Lors de la dernière conférence de presse qu’il a donnée fin juin à Kinshasa, Ngongi a de fait exprimé un regret : celui de n’avoir pas obtenu, avant son départ, « l’arrêt total des combats ».

Moustapha Niasse. « Nul n’est prophète en son pays. » Cet adage lui sied à merveille. S’il n’a pas été très heureux en politique ces dernières années, ce Sénégalais a eu plus de chances dans sa mission au Congo. Nommé en avril 1999, l’envoyé spécial du secrétaire général de l’ONU pour les Grands Lacs et pour le processus de paix en RDC a assisté, le 10 juillet 1999, à la signature des accords de Lusaka. Rentré à Dakar pour se présenter à la présidentielle de février-mars 2000, il deviendra Premier ministre du président Wade entre avril 2000 et mars 2001. Le 1er juin 2002, il est de nouveau nommé envoyé spécial en RDC par Kofi Annan. C’est à ce titre qu’il a participé au Dialogue intercongolais de Sun City. Mais il est surtout l’un des comédiateurs – avec le président sud-africain Thabo Mbeki et l’envoyé spécial de l’Union européenne Aldo Ajello – de l’Accord « global et inclusif » de Pretoria, signé le 17 décembre 2002. Le 26 juin, Niasse est revenu – pour une dernière fois ? – en RDC à l’appel de l’opposition politique pour une médiation au sujet de la formation du gouvernement. Son entregent a joué une fois de plus. Au total, Niasse aura globalement réussi sa mission congolaise, même si à certains moments, il a essuyé de sévères critiques de l’un ou l’autre des protagonistes.

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