Le cas norvégien

Publié le 7 juillet 2003 Lecture : 2 minutes.

La guerre d’Irak vient de nous en donner une nouvelle confirmation : depuis près d’un siècle qu’il est source principale d’énergie, le pétrole est aussi une cause de conflits et, pour les pays qui l’exportent en grande quantité, une manière de malédiction.
Il leur donne parfois la richesse, jamais la puissance. Il en fait des rentiers dépourvus d’agriculture et de toute industrie autre que pétrolière. Bref, d’une véritable économie. Il y développe la paresse, les inégalités et la corruption.

Un petit pays européen de 4,5 millions d’habitants, grand producteur de pétrole (3 millions de barils/jour*), fait exception. Je voudrais le citer en exemple pour montrer qu’à certaines conditions il peut en aller autrement.
Ce pays, c’est la Norvège. Il a eu la chance de découvrir de vastes gisements de pétrole au large de ses côtes, en 1975, alors qu’il était déjà une démocratie établie, dotée d’une économie élaborée, d’institutions stables et d’une administration intègre.
Mais tous ces atouts réunis n’ont pas suffi à le prémunir totalement contre les méfaits de cette soudaine richesse survenue au moment où les chocs pétroliers des années 1970 et 1980 faisaient « flamber » le prix du baril.

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Brusquement enrichie par le pétrole, la Norvège s’est mise à dépenser beaucoup trop dans le social, et les Norvégiens ont commencé à travailler moins. Mais elle s’est assez vite ressaisie.
Elle a eu la sagesse et le courage d’une décision exemplaire, prise dès le début des années 1990 : « Le pétrole appartient aux Norvégiens, a décidé son gouvernement, et tous doivent en profiter aussi équitablement que possible. L’argent qu’il produit, 10 milliards de dollars en moyenne par an, ne sera pas dépensé et ne sera pas affecté au budget. Il sera entièrement versé à un Fonds national du pétrole géré hors budget et épargné. »
En 2003, le montant de ce fonds atteint 120 milliards de dollars et cette somme a été entièrement investie hors du pays, sous forme d’un panier d’actions et de bons de Trésors étrangers. Elle rapporte 4 % par an, soit 5 milliards de dollars environ. Seule cette plus-value est utilisée comme complément au budget national, qui, de ce fait, est… excédentaire.
Richesse du sous-sol (ou plutôt de la « sous-mer »), le pétrole norvégien est ainsi transformé au fur et à mesure de son extraction en cagnotte financière intouchable, en « trésor de paix », en garantie de prospérité.

Deux autres pays exportateurs de pétrole, situés dans l’ex-Tiers Monde, ont eu, en même temps que la Norvège, la même idée. Hélas ! trois fois hélas ! ils ne s’y sont pas tenus.
Il s’agit du Cameroun et du Koweït : à ma connaissance, le fonds hors budget que l’un et l’autre ont commencé à constituer n’a pas été préservé.
Où sont les centaines, que dis-je, les milliers de milliards de dollars produits par le pétrole de la trentaine de pays qui en exportent beaucoup depuis des décennies et dont certains sont très peu peuplés ?
Gaspillés.
Un crime des dirigeants contre leurs peuples, aujourd’hui, et contre les générations à venir.

* Plus que la Grande-Bretagne, douze fois plus peuplée.

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