L’Amérique se fait latine

Les Hispaniques sont devenus la première minorité, devant les Africains-Américains. Le clivage traditionnel entre Blancs et Noirs en est transformé.

Publié le 8 juillet 2003 Lecture : 2 minutes.

Harlem. Pour beaucoup, ce mot évoque le ghetto noir du nord de l’île de Manhattan. Et pourtant, il y a déjà bien longtemps que le mythique quartier de New York City est séparé en deux : à l’ouest de la 5e Avenue, les Blacks, à l’est, « Spanish Harlem », où les Porto-Ricains, d’abord, puis d’autres immigrés d’origine latino-américaine sont venus s’installer.
D’ici peu, à Harlem, les Blacks seront moins nombreux que les Hispaniques. Sur le plan national, en tout cas, c’est chose faite. Le 18 juin, le service du recensement américain (Census Bureau) a annoncé que les Latinos sont devenus la première minorité des États-Unis en 2002, passant devant les Africains-Américains, qui occupaient le haut du tableau depuis que les recensements existent. Ils sont aujourd’hui 38,8 millions à revendiquer leurs origines hispaniques (13 % de la population américaine), contre 36,6 millions d’Africains-Américains. À eux seuls, ils sont aussi nombreux que la population totale de l’Argentine et avoisinent celle de l’Espagne (40 millions), ce qui fait des États-Unis l’un des premiers pays hispaniques au monde.
La croissance rapide de la population latino est due à la fois à une immigration importante des pays d’Amérique latine et à une fécondité plus grande que chez les Blancs. Tandis qu’entre 2000 et 2002 le taux de croissance de la population totale était de 2,5 %, celui des Latinos était presque quatre fois supérieur (9,8 %).
La tendance n’est pas nouvelle, et on savait depuis plusieurs années que les Latinos allaient devenir plus nombreux que les Africains-Américains. Déjà, les formulaires administratifs sont quasiment tous traduits en espagnol et les chaînes de télévision dans cette langue fleurissent sur le câble. À Washington, députés et sénateurs apprennent l’espagnol. Les politiques courtisent en effet de plus en plus les Latinos, même si une grande partie d’entre eux n’a pas encore acquis la citoyenneté américaine (un sur sept est d’ailleurs un clandestin) et ne peut donc voter. Le poids économique des Latinos est par ailleurs de plus en plus important : ils possèdent une entreprise sur vingt aux États-Unis et environ 27 milliers d’entre eux gagnent plus de 1 million de dollars par an.
En dépassant sur le plan démographique les Africains-Américains, les Latinos risquent de transformer le clivage social traditionnel entre Blancs et Noirs. À leurs dépens, craignent ces derniers, qui se fondent jusqu’ici sur leur importance numérique pour revendiquer plus d’égalité. Quoi qu’il en soit, les Africains-Américains restent statistiquement la minorité raciale la plus importante. Le terme « hispanique » relève de la classification ethnique selon le recensement américain. Un Latino peut ensuite se définir comme blanc, noir, asiatique ou autre. Même si la majorité des Latinos se classe parmi les Blancs, 1,7 million d’entre eux se sont présentés en 2002 comme des Noirs. Ce qui fait passer les « Blacks » à 38 millions. Ces derniers forment aussi un groupe beaucoup plus homogène et uni que les Latinos, qui gardent des liens souvent très forts avec leur pays d’origine ou avec leur communauté nationale établie aux États-Unis.
Il n’empêche que la société américaine évolue au rythme de son immigration et du poids de ses grandes minorités. Avec une population latino qui pourrait être deux fois plus nombreuse que celle des Africains-Américains d’ici à cinquante ans, rares sont les sociologues qui s’avancent pour décrire ce que seront les États-Unis à ce moment-là.

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