La Camair suspend son vol

Saisie pour cause d’impayés, la flotte de Cameroon Airlines s’est retrouvée clouée au sol pendant plus de trente-six heures.

Publié le 7 juillet 2003 Lecture : 3 minutes.

Les avions de la Camair ont repris leur service comme ils l’avaient arrêté. Sans prévenir. Alors que la compagnie nationale camerounaise a été contrainte, le 28 juin, d’annuler tous ses vols, les liaisons long-courriers ont été rétablies le 29 au soir avec l’affrètement d’un vol Douala-Paris-Douala. La reprise du trafic a pu s’opérer grâce à l’intervention personnelle du président Paul Biya, mais sans que les passagers en instance de départ à Roissy (Paris) en soient informés. Les autres destinations desservies par la Camair ont été progressivement rouvertes le 30.
Quatre des six avions de la Cameroon Airlines se sont donc retrouvés cloués au sol à la suite d’une décision de justice visant le transporteur. Celui-ci a été reconnu coupable par un tribunal californien de n’avoir pas honoré ses dettes à l’égard de la société australienne Ansett, auprès de laquelle il loue plusieurs appareils. La Camair, qui a acquis ces aéronefs dans le cadre d’un contrat de location-vente, aurait cessé d’en payer régulièrement le loyer auprès de l’entreprise australienne. Le montant de la dette s’élève à environ 12 millions de dollars, soit près de 6,8 milliards de F CFA.
Sur instruction du chef de l’État, l’administration camerounaise a pris contact avec les responsables d’Ansett pour trouver une issue rapide à la crise. Sitôt le virement bancaire effectué, les avions saisis ont pu reprendre l’air. Mais au-delà de l’immobilisation brutale de sa flotte, l’incident révèle la fragilité de cette compagnie que l’on croyait – au moins momentanément – tirée d’affaire.
Si la gestion draconienne imposée depuis trois ans par le directeur général Yves-Michel Fotso a permis d’éviter le dépôt de bilan, le pavillon camerounais reste soumis à de fortes turbulences. L’endettement de la compagnie s’élèverait à plus de 60 milliards de F CFA (90 millions d’euros), et la restructuration annoncée en préalable à une éventuelle privatisation n’est pas achevée. En attendant, les tensions de trésorerie demeurent, et les luttes d’intérêts se poursuivent autour du management de la compagnie. Selon le quotidien Cameroon Tribune, l’immobilisation fait suite aux recommandations du cabinet d’audit britannique Aircraft Portfolio Management (APM), commandité par le ministère de tutelle, sur la gestion des appareils en location-vente. Alors qu’on s’attendait à ce qu’APM propose de revoir à la baisse le loyer des avions, le cabinet aurait plutôt opté « pour le changement du partenaire propriétaire des avions actuellement sous location. D’où la colère des responsables d’Ansett qui ont immédiatement saisi les huissiers pour faire immobiliser les avions jusqu’à ce que toutes les dettes soient réglées ».
Mais pour certains membres du personnel, l’épisode de la semaine passée révèle plutôt le différend qui oppose le directeur général de la Camair Yves-Michel Fotso au président du conseil d’administration Étienne Ntsama quant à la gestion de la compagnie. Au-delà de son caractère anecdotique, cet épisode rappelle que la lutte que mènent certains hauts fonctionnaires camerounais contre Yves-Michel Fotso est loin d’être enterrée. Fils de bonne famille bamilékée, ce quadragénaire issu du secteur privé est le fondateur de la Commercial Bank of Cameroon (CBC), rappellent avec insistance ses détracteurs. Une manière à peine voilée de l’accuser de mélanger les genres. Sur les 17 milliards de F CFA de dette bancaire, 12 milliards étaient détenus par la CBC en 2002. Parmi les défenseurs du patron de la Camair, on dénonce l’amertume de quelques barons du régime qui ne digèrent pas le fait de ne plus disposer de billets gratuits. Il est vrai que les méthodes expéditives adoptées par Fotso pour renouer avec les bénéfices n’ont pas l’heur de plaire à tout le monde. Le jeune DG conserve toutefois l’appui du chef de l’État. Il risque d’ailleurs d’en avoir bien besoin, car la compagnie ne semble pas au bout de ses soucis financiers. La presse camerounaise révèle ainsi que le Boeing 747 de la Camair a été immobilisé fin juin « sur un aéroport européen », où il se trouvait pour une révision technique. Il aurait été saisi pour non-paiement des frais liés à l’achat des pièces de rechange. L’ardoise s’élèverait à 750 000 euros, soit 492 millions de F CFA.

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