Taille grand patron

Le magazine britannique « Fortune » publie le classement 2003 des vingt-cinq chefs d’entreprise les mieux rémunérés d’Europe.

Publié le 7 juin 2004 Lecture : 3 minutes.

Les patrons les mieux payés d’Europe touchent une rémunération bien inférieure à celle de leurs homologues américains. C’est la conclusion de l’enquête réalisée par Fortune en association avec l’agence d’analyse financière Boardex, et publiée début mai par le magazine britannique. Rien d’étonnant donc à ce que les vingt-cinq PDG qui touchent les plus gros salaires en Europe s’accrochent fermement à leurs rétributions dans l’espoir d’égaler un jour leurs pairs américains. On peut donc imaginer leur surprise quand le président français de Suez, Gérard Mestrallet, a annoncé, lors de la réunion annuelle des actionnaires en avril, qu’il réduirait ses primes annuelles de 40 % en raison des lourdes pertes enregistrées par l’entreprise durant l’année 2003. Qu’il ait agi de son propre chef ou sous la pression des actionnaires, l’homme ne s’en est pas moins délesté d’un pactole avoisinant 900 000 dollars !
On ne peut pas en dire autant des six patrons, sur les vingt-cinq listés par Fortune, qui ont vu leur rémunération baisser en 2003. Victimes du ralentissement de l’activité en Europe, ils se réjouissent aujourd’hui de l’embellie des marchés financiers, le plus gros de leur revenu global ne provenant pas du salaire mais des primes, des actions et autre stock-options. C’est notamment le cas du patron le mieux loti du Vieux Continent, Daniel Vasella, qui dirige Novartis, un groupe pharmaceutique helvétique. Sur les 12,4 millions de dollars qu’il a empochés en 2003, 83 % sont constitués de rétributions censées être aléatoires. Ce cinquantenaire entré chez Novartis en 1996 a de beaux jours devant lui puisqu’il a pu négocier un programme d’incitation au rendement sur le long terme d’une valeur potentielle de 8,2 millions de dollars.
En deuxième position du palmarès de Fortune, Chris Gent, retraité, depuis juillet 2003, de la présidence de Vodafone, l’entreprise de télécommunications britannique. Il est l’un des quatre grands patrons européens à travailler dans les télécoms, marché porteur s’il en est. Dans ce secteur, les trois poursuivants sont « à la traîne » d’un point de vue comptable : le Finlandais Jorma Ollila (Nokia) a perçu presque deux fois moins (7,5 millions de dollars) que Chris Gent ; Martin Bouygues (Bouygues) a touché quelque 4,9 millions de dollars ; et Kai-Uwe Ricke (Deutsche Telekom) a gagné, un an à peine après avoir pris les commandes de l’entreprise allemande, 3,3 millions de dollars. À titre de comparaison, l’Américain Tim Donahue, président de Nextel Communications, le leader des services de téléphonie mobile aux États-Unis, a empoché 30,9 millions de dollars en 2003 – et il n’est que 10e sur la liste des patrons américains les mieux gratifiés !
Comment expliquer une telle disparité entre la Vieille Europe et le Nouveau Continent ? Pour nombre d’analystes, les rémunérations européennes plafonnent à cause de la vindicte populaire. D’autant qu’elles sont déterminées en fonction d’une « norme » nationale. Aussi existe-t-il des différences entre les patrons européens eux-mêmes selon qu’ils sont français (ils touchent en moyenne 3,1 millions de dollars par an), britanniques (2,3 millions) ou suisses (2,6 millions).
La pression sociale est parfois tellement forte, comme en Allemagne, que les grands manitous préfèrent ne pas divulguer le montant de leur salaire. Même en Grande-Bretagne, pays d’obédience pourtant libérale, les tabloïds stigmatisent régulièrement l’appétit de ceux qu’ils appellent les fat cats. Le président de Tesco, Terry Leahy (17e sur 25 avec 4,5 millions de dollars), qui a pourtant réussi à doubler le prix de l’action Tesco depuis 1997, a été montré du doigt pour s’être octroyé une augmentation de 16 % l’année dernière.
En somme, les salariés lambda européens ne comprennent pas pourquoi il existe un tel fossé entre leur rémunération et celle de leur patron. Pour Peter Montagnon, directeur des relations avec les investisseurs à l’Association des assurances britanniques, les responsables sont payés à hauteur de… leurs responsabilités. « Certains secteurs de l’industrie, précise-t-il, sont également obligés d’offrir des rémunérations plus avantageuses que d’autres secteurs parce qu’ils sont en quelque sorte plus globaux. »
Les secteurs les plus représentés dans le Top 25 de Fortune sont, dans l’ordre, la banque (8 grands patrons), les laboratoires pharmaceutiques (5), les télécoms (4), l’agroalimentaire et la grande distribution (4). Grands absents : les constructeurs automobiles, pourtant cités dans le palmarès 2002 grâce à Paolo Fresco, de Fiat, et à Louis Schweitzer, de Renault.

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