Omar AÏdid
Chef d’entreprise
Aïdid, en somali « l’homme qui refuse l’insulte ». Omar assume totalement son nom de famille, rendu célèbre grâce à une lignée de seigneurs de guerre hawiyés – ethnie présente en Somalie du Sud – particulièrement par feu le général Mohamed Farah Aïdid et son fils Hussein.
Mais la comparaison s’arrête au patronyme, car Omar est djiboutien, du clan issa. Il est né en 1967, dans un quartier résidentiel de Djibouti. Le statut de gendarme de son père a permis à la famille de s’installer dans le voisinage immédiat de colons français. Dès l’enfance, Omar devient polyglotte. Il parle aussi bien la langue du Coran que celle de Molière et évidemment sa langue maternelle, le somali. Il a dix ans quand Djibouti accède à l’indépendance. Son père intègre l’armée, et lui poursuit ses études au collège. La famille déménage au Quartier 7. « J’adore cette partie de la ville construite au début des années 1970, raconte Omar, car c’est un lieu de mélange tribal. »
Quand son père décède, Omar quitte son lycée et opte pour l’école normale. « Je voulais travailler au plus vite. » Major de sa promotion, il décroche son diplôme d’instituteur, mais comprend très vite que la fonction publique n’est pas le meilleur moyen pour accumuler les richesses. Omar est ambitieux. En 1990, il quitte l’école et acquiert un bus pour organiser des excursions à l’intérieur du pays pour les expatriés et les rares touristes. Homme orchestre, il racole le client, joue au guide touristique, à l’animateur et met parfois les mains dans le cambouis pour réparer son bus. Au bout de six mois, il achète un second véhicule. Sa clientèle augmente, et sa surface financière aussi.
Trois ans plus tard, il se lance dans le négoce du bétail. La Somalie est en guerre civile, l’Éthiopie et l’Érythrée se regardent en chiens de faïence. Le seul port régional pour alimenter en viande les riches monarchies du Golfe est celui de Djibouti. Avec une commission de 1 dollar par tête exportée, Omar devient très vite un homme riche. La guerre au Somaliland voisin ne lui fait pas peur, il s’y rend souvent pour approvisionner ses partenaires arabes. Il se lance également dans le troc. Des dromadaires contre du matériel électronique. Il ouvre des bureaux à Dubaï, mais ne tourne pas le dos à Djibouti. Il se lance dans la distribution d’électroménager et dans la messagerie express. En 1997, il inaugure Djibnet, un réseau MMDS (Multi-Point Multi-Channel Distribution System) proposant des bouquets satellite. Deux ans plus tard, il devient câblo-opérateur et distribue différents networks. Ses infrastructures sont plus importantes que celles de la Radiotélévision djiboutienne (RTD). Djibnet a installé des milliers de kilomètres de fibre optique et son réseau lui permet d’arroser Djibouti et le Somaliland.
Sur 70 000 foyers équipés de téléviseurs, 17 000 sont abonnés à Djibnet, contre un forfait mensuel de 7 500 FD (35,3 euros). « Entre 35 % et 40 % des recettes vont dans la poche du partenaire, propriétaire du bouquet (comme Canalsat), affirme Omar, ce qui est raisonnable et permet un retour rapide sur l’investissement consenti pour la mise en place des réseaux. »
Des problèmes de recouvrement ? « Beaucoup moins depuis que l’on a signé des accords de prélèvements bancaires avec les banques de la place. »
Djibnet est une affaire rentable. Omar Aïdid investit ses bénéfices pour améliorer les prestations et diversifier ses activités. Notamment la concrétisation d’un vieux rêve : doter la population de langue somalie (22 millions de personnes réparties sur quatre pays) d’une chaîne de télévision qui leur soit exclusivement consacrée. Somsat, c’est le nom de ce projet, dispose d’ores et déjà de trois théâtres (Djibouti, Hargeisa, Mogadiscio) prêts pour servir de cadre à la production de telenovelas à la mode somalie. La chaîne a commencé à émettre à la fin du mois d’avril. Coût de Somsat : 5 millions de dollars. Omar Aïdid est peut-être l’homme qui refuse l’insulte, mais il consent à prendre tous les risques.
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