Israël envahit le Liban

Publié le 7 juin 2004 Lecture : 4 minutes.

Ce fut, sans doute, la plus exemplaire des opérations israéliennes de type sharonesque, avant même la pleine entrée en scène d’Ariel Sharon : tant par les mensonges, qui, du début à la fin, tentèrent de la justifier, que par les crimes qui l’accompagnèrent et la réelle vanité de ses résultats, malgré les apparences.

Le 6 juin 1982, à l’initiative du Premier ministre d’alors, Menahem Begin, et sous le nom de code « Paix en Galilée », l’État hébreu lança contre le Liban une offensive de grande envergure qui dégénéra en un affrontement israélo-syrien, frappa durement l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et bouleversa le paysage politique du « pays du Cèdre », tout en provoquant une crise internationale où se manifesta déjà le trouble jeu des États-Unis.
Le (mauvais) prétexte immédiat fut la tentative d’assassinat, le 3 juin, de Shlomo Argov, ambassadeur d’Israël à Londres, par des militants du groupe d’Abou Nidal, qui avait rompu depuis 1973 avec le Fatah de Yasser Arafat : ce qui ne retint pas Tel-Aviv d’en attribuer la responsabilité à l’OLP contre qui furent déclenchées en territoire libanais (et jusqu’à Beyrouth), dès les 4-5 juin, de premières représailles (deux cents morts). Lesquelles, d’ailleurs, faisaient suite à des interventions antérieures depuis que les combattants palestiniens, chassés de Jordanie en 1970, s’étaient redéployés au Liban. En avril 1973, notamment, un commando israélien assassina à Beyrouth trois importants dirigeants de l’OLP ; puis le 14 mars 1978, Tsahal mena une agression initiale dite opération Litani, visant à repousser les Palestiniens d’une trentaine de kilomètres, jusqu’au fleuve du même nom, tout en remettant la zone à la milice de son allié chrétien, le commandant Saad Haddad, rebaptisée, en 1980, « Armée du Liban-Sud (ALS) ».

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Mais ce n’est qu’un prélude. Le 6 juin 1982, donc, dans un message au président américain Ronald Reagan, Begin annonce que ses troupes (animées par le ministre de la Défense Ariel Sharon) repousseront de quarante kilomètres les formations palestiniennes actives au Liban-Sud, afin de protéger les colonies israéliennes de Galilée. Cynique plaisanterie : dès le 7 juin, Tsahal a déjà parcouru près de quatre-vingts kilomètres. Avançant sur trois axes avec plus de 90 000 hommes soutenus par de l’artillerie, des blindés et des avions de combat, les Israéliens atteignent, le 10 juin, les faubourgs de Beyrouth et parachèvent, le 14, un encerclement complet de la capitale libanaise, prenant au piège de nombreux combattants de l’OLP et d’importants contingents syriens.
En déclenchant son offensive, Tel-Aviv avait affirmé officiellement qu’il ne s’en prendrait aux forces syriennes que si celles-ci tiraient les premières. Damas, néanmoins, ne pouvait laisser sans réagir les Israéliens s’installer dans ce qu’il considérait comme une manière de protectorat. Non que le président Hafez el-Assad veuille protéger les Palestiniens. Tout au contraire, il tolère mal leur présence sur ledit « protectorat ». Et, dès 1976, ses troupes ont organisé, entre autres, un terrible massacre des réfugiés de l’OLP dans le camp de Tell el-Zaatar. Mais la menace que fait peser l’attaque israélienne sur les positions syriennes de la vallée de la Bekaa, à l’est du Liban, incite Damas à faire prendre l’air à son aviation. Fâcheuse initiative : en deux jours, les 8 et 9 juin, plus de soixante de ses appareils sont abattus, pour un seul avion d’Israël. Soit un désastre qui rappelle celui de la guerre des Six-Jours, en 1967.

Ainsi Tsahal a-t-il pratiquement les mains libres, commençant à s’aventurer au-delà de la « ligne verte » qui sépare les quartiers chrétiens de Beyrouth-Est des quartiers musulmans de l’Ouest, dont le bombardement s’intensifie. La communauté internationale, pour sa part, ne fait guère la preuve que de son impuissance : des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies enjoignant à Israël de « retirer ses forces immédiatement et inconditionnellement jusqu’aux frontières du Liban internationalement reconnues » sont évidemment ignorées par Tel-Aviv, tandis que d’autres résolutions, parfois plus timides (notamment le 20 juin), ne se heurtent pas moins au veto des États-Unis, bien que Ronald Reagan se déclare « profondément choqué » par la poursuite des combats.
Avec l’entremise de l’envoyé spécial américain Philip Habib, et après plusieurs cessez-le-feu presque aussitôt violés, un accord finit cependant par être trouvé, prévoyant l’évacuation sous contrôle international des forces de l’OLP. Du 21 août au 1er septembre, elles quitteront Beyrouth, avec Chypre comme première étape (avant de gagner la Tunisie). Yasser Arafat lui-même, déçu par le manque de soutien des pays arabes, se rend en Grèce le 1er septembre, accueilli par le Premier ministre Andréas Papandréou, qui lui réaffirme son appui à la cause palestinienne.
Au Liban même, pour autant, la tragédie se prolongeait. Élu président, le 23 août, avec le soutien d’Israël, Béchir Gemayel, le sinistre chef des Phalanges chrétiennes, était assassiné le 14 septembre. Deux jours plus tard, autorisés par Tsahal à pénétrer dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila, ses partisans y massacraient plus de mille cinq cents réfugiés, femmes et enfants notamment, sous les yeux indifférents du ministre de la Défense Ariel Sharon, que l’enquête de la commission Kahane contraindra à la démission le 11 février suivant.

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