Transport maritime : « La crise mondiale peut être une opportunité pour l’Afrique »

Malgré les difficultés, entre envolée des prix du fret et reconfiguration des avantages comparatifs de chaque pays, le continent doit tirer profit des tensions actuelles, avance Hassiba Benamara de la Cnuced.

Hassiba Benamara est économiste du transport maritime et du commerce à la Cnuced. Ici, lors de la Journée mondiale de la mer, le 29 septembre 2016, au siège de l’Organisation maritime internationale, à Londres. © International Maritime Organization/Flickr/Licence CC

Hassiba Benamara est économiste du transport maritime et du commerce à la Cnuced. Ici, lors de la Journée mondiale de la mer, le 29 septembre 2016, au siège de l’Organisation maritime internationale, à Londres. © International Maritime Organization/Flickr/Licence CC

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Publié le 23 décembre 2021 Lecture : 2 minutes.

Port d’Abidjan © ISSOUF SANOGO / AFP
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Transport maritime : investissement, hausse des prix et piraterie, les nouveaux défis du secteur en Afrique

Alors que les différends entre États et concessionnaires se multiplient autour des ports, le secteur fait face à une envolée des prix à destination du continent.

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Des conteneurs vides, des tarifs du fret qui s’envolent, et un acteur de premier plan : Bolloré, en discussion pour céder ses activités portuaires et logistiques à un autre géant, MSC. C’est peu de dire que le secteur du transport maritime est sens dessus dessous.

Pour y voir plus clair, Jeune Afrique a posé trois questions à Hassiba Benamara, experte qui a contribué à la rédaction de la dernière édition (publiée le 18 novembre) du rapport sur le secteur réalisé chaque année par la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced).

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Jeune Afrique : Selon le dernier rapport de la Cnuced consacré au secteur maritime mondial, ce dernier a mieux résisté aux effets de la crise sanitaire qu’attendu, avec une baisse des flux limitée à 3,8 %. Vous confirmez ?

Hassiba Benamara : Oui et non. Oui, parce que le ralentissement constaté des échanges maritimes en 2020 est moins important que le recul de 4,1 % que nous avions projeté. Il est même en dessous des 5,1 % enregistrés au lendemain de la crise de 2009. Le secteur a donc continué de fonctionner et de tenir son rôle dans le transport de marchandises, notamment au plus fort de la pandémie.

Non, parce que le secteur n’était absolument pas prêt à faire face au rebond rapide des volumes, constaté depuis dix-huit mois et qui tire un peu plus sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, déjà sérieusement perturbées par l’ouverture et la fermeture des marchés en fonction de l’évolution de la pandémie, la congestion des ports, la mauvaise distribution des conteneurs vides à l’échelle mondiale et la hausse spectaculaire des taux de fret qui découle de ces différents facteurs.

Certains pays risquent de perdre leurs avantages comparatifs

Cette augmentation des tarifs s’annonce-t-elle durable ?

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C’est très difficile à dire tant que la demande mondiale de transport ne se sera pas stabilisée. Personne ne profite vraiment de la situation puisque tout peut changer d’un moment à l’autre. La décarbonation de la flotte, qui va s’appliquer à partir de 2023, et la transition énergétique vers des navires à zéro émission vont également peser sur les tarifs de fret et provoquer des coûts additionnels qui, in fine, seront très certainement répercutés auprès des consommateurs.

Cette hausse des taux affecte le commerce mondial en général, ainsi que les prix à l’importation et à la consommation. Si elle se poursuit, cela aura très certainement des conséquences sur l’organisation des flux et la nature des marchandises transportées, notamment celles à faible valeur ajoutée. Certains pays risquent de perdre leurs avantages comparatifs, ce qui provoquerait une relocalisation et une redéfinition des routes commerciales dans le sens d’un rapprochement entre les centres de production et de consommation.

Le continent pourrait alors sortir du « tout matières premières »

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Qu’est-ce que le continent pourrait attendre d’une telle évolution ?

L’Afrique aurait une belle occasion à saisir pour repenser la structure de ses échanges commerciaux en visant à diversifier son économie afin de s’imposer enfin comme site manufacturier en direction des marchés africains, mais également européens, voire asiatiques. L’Afrique pourrait alors sortir du « tout matières premières » pour commencer à s’impliquer dans la création de valeur ajoutée, notamment dans l’optique de la mise en place de la Zone de libre-échange continentale africaine, qui, à l’horizon 2030, doit favoriser la création à l’échelle régionale de chaînes de valeur.

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