Sophie Pétronin de retour au Mali : « Qu’elle y reste ! »
Retournée clandestinement au Mali où elle avait été détenue comme otage, la Française Sophie Pétronin a brièvement disparu fin octobre. Provoquant des réactions ulcérées en France…
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Mehdi Ba
Journaliste, correspondant à Dakar, il couvre l’actualité sénégalaise et ouest-africaine, et plus ponctuellement le Rwanda et le Burundi.
Publié le 2 décembre 2021 Lecture : 3 minutes.
« Si vous prenez un engagement, allez au bout de cet engagement. Sinon, vous aurez perdu votre raison d’être sur cette terre. » À peine libérée, en octobre 2020, l’ex-otage française Sophie Pétronin, 76 ans, avait annoncé la couleur. Elle retournerait au plus vite au Mali inspecter l’orphelinat qu’elle y a fondé, à Gao (Nord-Est), assurait-elle, tout en qualifiant charitablement ses ravisseurs de « groupes d’opposition armée au régime ».
Cinq mois plus tard, la septuagénaire a mis son plan à exécution. Et puisque les Maliens, manifestement aiguillonnés par le Quai d’Orsay, lui ont refusé à deux reprises le visa qu’elle sollicitait, Sophie Pétronin a joué la fille de l’air. Pour la diplomatie française, la quasi-totalité du territoire est en effet classée en zone rouge ; et l’extrême Sud – dont Bamako – en zone orange. En mars, après avoir discrètement transité par le Sénégal, Sophie Pétronin a rejoint le Mali par la route, accompagnée par son fils Sébastien. Au poste-frontière, elle est entrée sans difficulté dans le pays avant de s’installer à Bamako, aux côtés de sa fille adoptive. Loin de Gao, certes, mais sur cette terre qui était devenue la sienne depuis 2001.
Aussitôt rendue publique, la fugue déchaîne les passions sur les réseaux sociaux
Anathèmes islamophobes et clichés racistes
La deuxième affaire Pétronin éclate le 29 octobre, lorsqu’un télex de la Direction générale de la gendarmerie malienne fuite sur les réseaux sociaux. Adressé à toutes les unités du pays, ce message leur demande de « rechercher très activement » l’ex-otage, subitement portée disparue. Instruction est donnée de « l’appréhender et de la conduire sous bonne escorte » à Bamako.
Une fugue qui, aussitôt rendue publique, déchaîne les passions sur les réseaux sociaux, de la droite à l’extrême droite. « Nous sommes vraiment les otages de notre propre bêtise : on a payé une somme considérable, on a libéré 200 jihadistes pour récupérer “Maryam” [son surnom musulman, adopté en captivité], agent émerveillé de la propagande islamiste ! », peste sur Twitter, parmi tant d’autres, le député européen Gilbert Collard, du groupe Identité et démocratie.
Dans l’émission On est en direct (France 2), l’humoriste Philippe Caverivière se livre quant à lui à une parodie plus que douteuse sur le retour de « Mamie Steradent » (fine allusion à sa dentition, dégradée durant sa captivité) sur « L’île de la Tentation malienne », suscitant l’hilarité des animateurs et de leurs invités.
Il faut dire qu’en guise d’explication au come-back de Sophie Pétronin, ce chroniqueur ressuscite un cliché qui a fait ses preuves : si elle est retournée dans ce pays malgré les risques encourus, c’est évidemment pour s’envoyer en l’air avec des Africains musclés. « Sarkozy disait que l’homme africain n’était pas assez entré dans l’Histoire ; je pense, en revanche, [qu’il] est rentré dans Mamie ! » [Rires gras]
Fermer les yeux ?
D’anathèmes islamophobes en sketch gérontophobe ponctués de clichés racistes, nul en France n’aura toutefois pris la peine d’analyser les retombées possibles du « choix de Sophie » – qui est entre-temps réapparue et a assuré que « là où je suis, je suis en sécurité : bien gardée, bien protégée et bien nourrie ». Côté malien, le mutisme est de rigueur, tandis qu’en France le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, s’est fendu d’une pique laconique où perce l’agacement : « Si elle est bien au Mali, qu’elle y reste ! »
Le sort de Sophie Pétronin n’est anecdotique ni pour Emmanuel Macron ni pour Assimi Goïta
Les deux pays étaient manifestement informés depuis plusieurs mois de son entrée irrégulière sur le sol malien. Continueront-ils réellement à fermer les yeux, au risque que l’humanitaire française – qui avait déjà échappé de peu, en 2012, à une première tentative d’enlèvement – leur fausse une nouvelle fois compagnie ?
À quelques mois d’une élection présidentielle, en France, où la voix de l’extrême droite – d’Éric Zemmour à Marine Le Pen – sera plus tonitruante que jamais, le sort de Sophie Pétronin n’est anecdotique ni pour Emmanuel Macron ni pour le président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, dont le pays est actuellement suspendu des instances de la Cedeao.
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