Comment le Vatican voit les musulmans

Publié le 7 juin 2004 Lecture : 2 minutes.

Le pape Jean-Paul II a-t-il lu attentivement l’instruction publiée le 14 mai par le Conseil pontifical pour la pastorale des migrants et des personnes en déplacement ? Il est permis d’en douter tant ce qu’on y trouve est en contradiction avec le discours qu’il a prononcé devant ce même Conseil, quatre jours plus tard. Il a en effet exhorté les baptisés à « s’engager contre les préjugés » en particulier « vis-à-vis des croyants de religion musulmane » et rappelé que « l’engagement oecuménique constitue un appel à accueillir fraternellement des personnes qui ont des façons de vivre et de penser différentes de celles auxquelles nous sommes habitués ».
C’est tout à fait le contraire de ce qu’on trouve dans le texte du cardinal Stephen Fumio Hamao, président du Conseil, ratifié par le souverain pontife. Le chapitre qui concerne les relations des chrétiens avec les musulmans n’expose qu’idées reçues et contre-vérités. Ainsi peut-on lire que dans les « pays à population majoritairement non chrétienne, le droit à la liberté religieuse est fortement restreint ou violé ». Certes, « la croyance en Dieu, la prière quotidienne, le jeûne, l’aumône, le pèlerinage, l’ascèse en vue de la maîtrise des passions, la lutte contre l’injustice et l’oppression sont des valeurs communes », mais, « à côté de ces convergences, il existe des divergences dont certaines concernent les acquis légitimes de la modernité ».
Faisant fi du langage policé habituellement utilisé dans les documents vaticans, Mgr Hamao révèle, à travers ses conseils, la façon dont il voit les nations dont la population est musulmane : « Nous souhaitons donc de la part de nos frères et soeurs musulmans une prise de conscience toujours plus grande qu’on ne peut remettre en question l’exercice des libertés fondamentales, des droits inviolables de la personne, de l’égale dignité de l’homme et de la femme, du principe démocratique du gouvernement de la société et d’une saine laïcité de l’État. » Quelques lignes plus bas, un jugement encore plus péremptoire est asséné à propos de la condition des femmes : il appelle la communauté chrétienne à aider et soutenir « la partie la moins protégée de la famille musulmane, à savoir la femme, pour lui permettre de connaître et de faire état de ses droits propres ».
On comprend donc pourquoi, « à l’exception des cas particuliers, le mariage entre catholiques et migrants non chrétiens devra être déconseillé ». Et si d’aventure des individus voulaient persévérer dans leur choix, ils devront « faire une préparation particulièrement soignée et approfondie » de façon que les fiancés « assument en connaissance de cause les profondes diversités culturelles et religieuses » qui les séparent. Bien sûr, « la partie catholique devra se garder de lire ou de signer des documents contenant la chahada [profession de foi musulmane] ».
On s’étonne encore de telles réflexions sous la plume d’un haut dignitaire de l’Église catholique, alors que les relations entre chrétiens et musulmans sont particulièrement tendues au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est et en Afrique.

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