Djibouti : à l’abri des turbulences, IOG peut-il « finir le travail » ?
Dans une Corne de l’Afrique très tourmentée, la petite République fait figure d’îlot de stabilité. Si Ismaïl Omar Guelleh (IOG) a été réélu grâce à un bilan économique positif, les attentes de la population, dont les trois quarts ont moins de 35 ans, restent nombreuses.
Le 9 avril, Ismaïl Omar Guelleh (IOG) a été réélu, à 73 ans, pour un cinquième mandat, avec plus de 97,30 % des suffrages exprimés. On ne change pas une formule qui gagne, et, pour s’assurer un cinquième quinquennat d’affilée, le président djiboutien a simplement proposé à ses compatriotes de « continuer ensemble » une aventure entamée en 1999. En plus du soutien indéfectible de ses supporters, IOG a également pu compter sur l’absence de véritables adversaires lors de ce scrutin, l’opposition officielle ayant décidé cette fois de passer son tour.
Les résultats n’auraient de toute façon guère été différents tant cette élection ressemblait avant tout à un plébiscite pour le chef de l’État, qui s’est appliqué durant la campagne à mettre en avant ses incontestables réussites, de la stabilité de Djibouti dans une Corne de l’Afrique toujours plus tourmentée, à son bilan économique, largement positif, à l’image du PIB djiboutien, multiplié par sept au cours des vingt-deux années de règne d’IOG, pour s’établir en 2020 à plus de 3 milliards de dollars. Sans oublier sa gestion efficace de la crise sanitaire, qui a même valu à son pays un satisfecit de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Seul face à lui-même, IOG a donc obtenu cinq années de plus « pour finir le travail », selon ses proches, pour qui ce mandat sera avant tout celui de la redistribution des fruits de la croissance, notamment en direction de la jeunesse, cette fameuse « génération IOG » qui aurait supplié le président de rempiler.
Rééquilibrage social
Et, en la matière, beaucoup reste à faire. Car si, alors que la pandémie s’essouffle, l’économie du pays semble avoir rapidement retrouvé son rythme de croisière, avec une croissance attendue autour de 5 % pour 2021, le chômage concerne toujours près de 60 % de la population, dont les trois quarts ont moins de 35 ans. Nommé le 24 mai, le premier gouvernement de ce quinquennat reflète donc les priorités affichées par le candidat IOG : la continuité, à la primature dans les ministères régaliens ; l’emploi et la jeunesse, avec la création d’un vaste ministère des Affaires sociales et des Solidarités, censé être l’un des principaux instruments de ce développement inclusif promis par IOG.
Ce rééquilibrage social intervient pourtant au moment où Djibouti fait face à un contexte extérieur rendu très incertain par la crise qui secoue l’Éthiopie depuis plus d’un an. L’enjeu est de taille pour la petite République, qui, au fil de la dernière décennie, a amarré son économie à celle de son puissant voisin pour devenir la porte d’entrée maritime obligée d’un marché enclavé de 120 millions de personnes.
L’électricité et l’eau, fournies par l’Éthiopie à Djibouti en échange de ses services portuaires, continuent d’arriver, et les frontières communes ne sont toujours pas prises d’assaut par les vagues de réfugiés. Certains projets bilatéraux en matière d’infrastructures sont en revanche gelés, et les premières baisses significatives du trafic ont été enregistrées ces derniers mois sur les différents terminaux portuaires djiboutiens, dont près de 90 % des volumes sont destinés à l’Éthiopie.
Crainte d’un nouveau conflit
Les conséquences de la guerre avec le Tigré ne sont pas qu’économiques pour Djibouti, elles sont aussi communautaires. Les vieux antagonismes entre les populations afars et somalis, dans l’est de l’Éthiopie, ont traversé la frontière, et, le 3 août, ce sont les communautés afars et issas djiboutiennes qui en sont venues aux mains dans certains quartiers populaires de la capitale. En plus de quelques incendies, ces événements ont surtout ravivé la crainte d’un nouveau conflit entre les deux principales communautés du pays, comme ce fus le cas au début des années 1990.
Pas question de laisser la situation interne risquer de s’aggraver pour IOG, au moment où son pays fait figure de dernier îlot de stabilité, cerné dans la sous-région par les tensions grandissantes entre l’Éthiopie et le Soudan, une Somalie toujours en proie à ses démons intérieurs, une Érythrée très interventionniste dans le Tigré et la guerre civile au Yémen. Dans ce contexte hautement inflammable, IOG apparaît plus que jamais comme le garant de la paix et du développement de son pays durant ce qui devrait être son dernier mandat. En 2026, le chef de l’État aura en effet dépassé la limite d’âge, fixée à 75 ans par la Constitution, qu’il s’est, en mai, engagé à respecter.
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