Les derniers jours de la Snec

Toutes les conditions semblent désormais réunies pour voir aboutir rapidement le processus de privatisation de la Société nationale des eaux.

Publié le 9 mai 2007 Lecture : 4 minutes.

Tout indique qu’on s’approche de la dernière étape du processus de privatisation de la Société nationale des eaux du Cameroun (Snec). Le nom du futur repreneur pourrait être annoncé dans les prochaines semaines par les autorités, au terme de l’appel d’offres lancé le 25 juillet 2006 pour la mise en place d’un partenariat public-privé pour gérer la distribution de l’eau dans le pays. Deux groupes se retrouvent dans le face-à-face final : le français Veolia Water, leader mondial de la distribution de l’eau, et l’Office national de l’eau potable (Onep) marocain. Ils ont soumis en septembre dernier leurs offres techniques de préqualification, jugées toutes deux conformes au cahier des charges. C’est désormais sur leurs offres financières que va se faire le choix définitif. Au siège de la direction générale de la Snec, à Douala, on indique comme échéance le mois de mai. La meilleure offre sera celle qui proposera le meilleur schéma de rémunération calculée à partir de la redevance reversée par l’opérateur privé au concessionnaire public.
Basile Atangana Kouna, administrateur provisoire de la Snec et maître d’uvre de cette privatisation, a proposé au gouvernement un schéma de partage des responsabilités différent de celui qui a été appliqué jusqu’à ce jour au Cameroun dans d’autres secteurs : la délégation de service public (ou « affermage ») plutôt que la cession pure et simple. La solution, qui a également été choisie au Sénégal et au Niger, garantit le maintien de l’État dans le dispositif. Les infrastructures et les équipements restent sa propriété, et le partenaire privé lui verse une redevance pour les utiliser. Il a donc été nécessaire de créer une société publique de patrimoine, Cameroon Water Facilities Corporation (Camwater), qui a pour objet la gestion des biens et droits du service de l’eau potable. Camwater, dont le capital est à 100 % détenu par l’État, est notamment chargée de la construction, de la maintenance et de la gestion des infrastructures de production, de stockage et de transport de l’eau potable. Elle les mettra à disposition d’une société d’exploitation privée, qui sera chargée de la production et la distribution de l’eau potable, et de l’entretien des infrastructures du traitement de l’eau. Ce « fermier » se charge également de toutes les opérations commerciales correspondantes : relevé des compteurs, facturation et encaissement des recettes. Son capital sera composé à hauteur des deux tiers au moins par des privés, dont 51 % au minimum par un actionnaire de référence et 24 % au moins par des privés camerounais.
Dès que l’État accordera à Camwater sa concession, c’est-à-dire « la gestion physique, comptable et financière des biens et droits immobiliers de son domaine public et privé », pour reprendre les termes du décret de sa création, la Snec va disparaître. Et Basile Atangana Kouna, qui a pris ses fonctions d’administrateur provisoire de la Snec il y a cinq ans, le 24 avril 2002, pourra alors tourner la page de l’histoire de la compagnie et ouvrir celle de Camwater, dont il a été nommé directeur général. Cette nomination constitue en soi une prime pour le redressement de la Snec qu’il a su conduire avec succès. « La gestion de la société s’est améliorée et un effort réel a été engagé pour la remettre sur les rails », résume Claude Jamati, expert-consultant et membre de l’Association africaine de l’eau (AAE). Lorsque Basile Atangana Kouna arrive à la tête de la société, celle-ci est confrontée à d’énormes difficultés financières et techniques. Le réseau est défectueux, l’outil de travail dégradé et le climat social délétère. Plus grave, le processus de privatisation engagé par la direction précédente est paralysé par des divergences avec la Lyonnaise des eaux, société qui avait à l’époque été retenue à l’issue d’un premier appel d’offres. « J’ai fait procéder à plusieurs audits sur les plans techniques, financier et social, explique Atangana Kouna, puis j’ai pris des mesures pour stabiliser la production, améliorer la qualité de l’eau, assainir les finances et regagner la confiance du personnel. » Résultat : le chiffre d’affaires de la Snec est passé de 19 milliards de F CFA (29 millions d’euros) en 2002 à 30,5 milliards en 2006. Les dettes contractées envers les prestataires et le fisc ont été apurées. Le nombre des abonnés a progressé de 180 000 à 219 000, et celui des branchements, même s’il reste modeste, s’est accru de plus de 20 000 compteurs supplémentaires. Grâce à la modernisation et à l’informatisation des procédures comptables, la facturation et les encaissements ont participé à l’accroissement des recettes.
Par ailleurs, le climat social s’est détendu, l’administrateur provisoire ayant fait plusieurs gestes significatifs en direction du personnel : remboursement d’un prêt épargne de plus de 900 millions de F CFA consenti par le personnel à la Snec, reprise des cotisations sociales des employés à la Caisse nationale de prévoyance sociale, sans oublier le reclassement et l’avancement du peronnel ainsi que la restauration d’une prime de productivité. Seule ombre au tableau, les coupures d’eau n’ont pas totalement disparu et restent un problème pour les usagers.
La Snec vit donc ses derniers jours alors qu’elle se porte mieux qu’il y a quelques années. Mais cet apparent paradoxe permettra de faciliter le passage de témoin au futur partenaire privé et à Camwater, dont le premier conseil d’administration s’est tenu le 12 avril. Il a notamment adopté un budget transitoire ainsi que l’organigramme de la nouvelle société et la grille des salaires. Sans oublier le plus important, une première évaluation d’un programme d’investissement sur dix ans, chiffré à 235 milliards de F CFA. Toutes les conditions semblent donc réunies pour voir aboutir le processus de privatisation de la Snec. Reste à ce jour une interrogation : qui de Veolia Water ou de l’Onep en sera le futur opérateur privé ?

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