Le retour du mort-vivant

En décembre dernier, on ne donnait plus à Fidel Castro que quelques jours à vivre. Depuis, son état de santé semble s’être sensiblement amélioré.

Publié le 9 mai 2007 Lecture : 5 minutes.

A Miami, les exilés cubains attendent qu’il meure pour donner le coup d’envoi d’une mémorable fiesta. À La Havane, les rumeurs circulent sur la santé de Fidel Castro, mais un silence prudent reste de rigueur, les Comités de défense de la Révolution sont à l’écoute Depuis plus de neuf mois, le Comandante ne se montre plus en public. A-t-il déjà un pied dans la tombe ? En décembre, on ne lui accordait plus que quelques journées à vivre, certains le disaient déjà en train de poursuivre sa révolution ad patres. Quelques jours avant les célébrations de la fête du Travail, le 1er mai, les spécialistes de Cuba pensaient encore qu’il apparaîtrait à la tribune pour la traditionnelle démonstration de force du régime. Il a brillé par son absence. Que devient donc le dictateur caribéen ? Le 27 juillet 2006, Fidel Castro a subi en urgence, dans le plus grand secret, une opération chirurgicale délicate après une grave hémorragie intestinale.
L’idée qu’il pourrait être atteint d’un cancer a été évoquée avant d’être écartée : l’homme qui a pris le pouvoir par les armes il y a quarante-huit ans serait en réalité atteint d’une affection du côlon, une diverticulite, aggravée par la maladie de Parkinson. Il pourrait aussi souffrir de la maladie de Crohn. En tout état de cause, quelques jours après son opération, le 31 août 2006, c’est un Fidel Castro incapable de gouverner qui cède les rênes du pouvoir à son frère cadet Raúl. Une première ! Depuis ce jour, les journaux du monde entier sont sur le qui-vive et la nécrologie du dernier des dinosaures marxistes est déjà écrite. Reste à poser le point final. Mais, comme toujours, Castro déjoue tous les pronostics. Vivant un jour, mort-vivant le lendemain. Le 13 août, jour anniversaire de ses 80 ans, des photos montrent le convalescent en compagnie de son ami et allié le président du Venezuela Hugo Chávez, puis aux côtés de son frère. Il est sans doute vivant, mais émacié, pâle, effrayant de maigreur. Le 1er septembre, rebelote : il apparaît à la télévision avec Raúl et Hugo Chávez, et confesse avoir perdu plus de dix-huit kilos ! En octobre, le magazine Time émet l’idée qu’il serait atteint d’un cancer en phase terminale. Castro, silencieux depuis plus d’un mois, finit par démentir : il n’est ni moribond ni mort.
2 décembre 2006 : la machine médiatique s’emballe. Il est absent du défilé militaire donné en son honneur. Serait-il en train de passer l’arme à gauche ?
Il faut attendre le 30 janvier pour le voir de nouveau à la télévision en compagnie de l’inévitable Hugo Chávez. Depuis, son état de santé semble s’être sensiblement amélioré. Fin février, il a passé plus de trente minutes au téléphone, en direct, avec le président vénézuélien, qui anime lui-même une mission télévisée hebdomadaire, Aló Presidente. « Je gagne du terrain. Je sens que j’ai plus d’énergie, plus de force et plus de temps pour étudier », a déclaré Castro à cette occasion. Un mois plus tard sans que l’on puisse pour autant vérifier qu’il en était bien l’auteur , il s’est même fendu d’un long éditorial dans Granma, l’organe officiel du Parti communiste cubain. Son titre ? « Trois milliards de personnes condamnées à mourir de soif et de faim dans le monde. » Il s’agit d’une attaque en règle contre les carburants dits « verts », l’éthanol et le biodiesel, défendus par les présidents américain et brésilien, George W. Bush et Luiz Inácio Lula da Silva. Pour lui, une telle politique énergétique conduirait bien des pays pauvres à la famine, puisqu’« une tonne de maïs ne peut produire que 413 litres d’éthanol ». Castro reste fidèle à lui-même, comme le confirme son ami Prix Nobel de littérature, l’écrivain colombien Gabriel García Márquez, qui lui rend visite à cette époque. « Tout ce que je dirais, c’est que c’est le même vieux Fidel », affirme l’auteur de L’Automne du patriarche au quotidien espagnol El País.
De fait, le « vieux Fidel » se signale de nouveau en avril en publiant deux nouveaux articles dans Granma. Le quatrième et dernier à ce jour encourage les Cubains à manifester contre la libération, le 19 avril, aux États-Unis, de Luis Posada Carriles, un exilé et ex-agent de la CIA accusé d’avoir perpétré, en 1976, un attentat à la bombe contre un avion de ligne cubain qui fit 73 morts. Autre signe de rétablissement, le 21 avril, la presse cubaine publie des photos du héros de la Sierra Maestra en grande conversation avec un haut dirigeant chinois, Wu Guangzheng, membre du comité permanent du bureau politique du PC chinois. Sur les images, Castro semble avoir repris un peu de poids. Il n’en faut pas plus pour que le président bolivien Evo Morales se dise « convaincu » que le Comandante réintégrera ses fonctions dès le 1er mai. Pourtant, malgré la présence de milliers de Cubains dans les rues de La Havane, c’est Raúl et lui seul qui a présidé l’immense rassemblement sur la place de la Révolution, s’abstenant de toute déclaration. Une nouvelle absence remarquée, mais moins inquiétante que les précédentes. Pour le numéro trois de l’État, le président du Parlement Ricardo Alarcón, « une chose est d’aller bien, une autre est d’être là durant deux heures à regarder un défilé ».
Difficile, dans ces conditions, de savoir quel rôle joue aujourd’hui Fidel et s’il aura jamais la force de revenir sur le devant de la scène. Le retraité reste-t-il alité ou donne-t-il des ordres à son petit frère ? Organisateur hors pair, idéologue radical devenu pragmatique, Raúl ne bénéficie ni de l’aura historique de son frère, ni de son charisme. Mais en neuf mois de pouvoir, il a, à plusieurs reprises, laissé entendre qu’un certain assouplissement politique était possible. À cela, Raúl pourrait ajouter une certaine dose de détente économique et mettre en place un modèle de type chinois ou vietnamien arrangé à la sauce cubaine. À savoir une ouverture économique strictement contrôlée et régulée au niveau politique. En clair : un peu plus d’entreprises privées et des investissements étrangers favorisés dans un régime qui demeurerait autoritaire. À moins que Fidel Castro ne retrouve toute sa pugnacité
Prochaine échéance : le 26 juillet. Ce jour-là, Cuba fêtera le 54e anniversaire de l’attaque de la caserne de la Moncada qui avait conduit les frères Castro en prison et marqué le début de la révolution castriste. Ce jour-là, Castro n’aura plus fait d’apparition publique depuis un an. Jour pour jour. Une bonne occasion pour pointer sa barbe et prononcer un discours aussi interminable que son règne ?

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