La croissance malgré tout

En dépit de l’explosion de la facture pétrolière et des turbulences qui menacent l’agriculture, le pays continue d’afficher des résultats satisfaisants.

Publié le 7 mai 2007 Lecture : 4 minutes.

Chaque année, la gymnastique est la même. Lorsque le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) dévoile son rapport annuel, reléguant régulièrement le Burkina parmi les pays les plus pauvres de la planète, le gouvernement s’empresse de dénoncer ce classement. Motif du mécontentement ? Des statistiques froides, qui renvoient trop souvent aux obstacles structurels du développement et qui ne prennent pas assez la mesure des performances réalisées. Comme si, contre l’avis des économistes, la progression du produit intérieur brut (PIB) observée depuis 2001 n’avait guère d’incidence sur les indices de pauvreté.
Engagé depuis une quinzaine d’années dans une réforme en profondeur de son économie, le Burkina accumule pourtant de bons résultats, selon le FMI et la Banque mondiale. Des performances d’autant plus notables qu’elles ont été réalisées dans un contexte international défavorable marqué par la crise ivoirienne, le renchérissement des cours du brut – grâce auquel le pays, importateur net, satisfait 90 % de ses besoins énergétiques -, ou encore la faiblesse des cours internationaux du coton, principale culture à l’exportation.
Ainsi, de 1,6 % en 2000, la croissance du PIB est passée à 6,4 % en 2006 – bien au-delà des 3,4 % de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) – pour une évolution démographique stabilisée à 2,7 %. Des chiffres encourageants bien que largement déterminés par les conditions climatiques très aléatoires. Avec 3,86 millions de tonnes attendues, contre 3,65 millions un an auparavant, la campagne céréalière de 2007 couvrira une nouvelle fois la demande nationale (2,6 millions de tonnes). Ce haut niveau de récolte, conjugué aux chantiers d’infrastructures, permettra par ailleurs de coller aux prévisions de la Banque mondiale, qui situe la croissance de 2007 à 6,5 %, et à 6,7 % si l’on s’en tient aux projections de la Commission de l’Uemoa.
Les 13,7 millions de Burkinabè semblent profiter de ce contexte. De 177 000 F CFA (269 euros), le PIB par habitant a atteint 202 000 F CFA en 2006 contribuant ainsi au gonflement de la masse monétaire, en hausse de 10 %, à 661 milliards de F CFA.
De 42 % en 2000, le taux brut de scolarisation a atteint 62 % l’an dernier. Concrètement, 550 000 enfants de plus se rendent aujourd’hui à l’école pour un nombre de classes plus élevé et des enseignants toujours plus nombreux. De 39 % en 1990, la part de la population ayant accès à une eau de qualité est passée à 52 % en 2005. La même année, le nombre de personnes souffrant de mal-nutrition a été ramené à 19 %, contre 22 % dix ans auparavant. Enfin, de 167 pour mille en 1970, le taux de mortalité infantile est aujourd’hui en deçà de 100 pour mille. Les réformes engagées portent donc leurs fruits en dépit d’une évolution toujours négative de la balance commerciale. Parallèlement, la situation monétaire est assainie, et la récente vente de l’Office national de télécommunications (Onatel) traduit la confiance des investisseurs privés vis-à-vis d’un pays réputé pour son faible niveau de corruption. Quant à l’inflation, elle a été maîtrisée non sans mal, après avoir connu un pic à plus de 5 % en 2005. Finalement, l’augmentation des prix s’est stabilisée à 2,4 % en 2006. Les dépenses publiques ont également connu un emballement, à 733 milliards de F CFA en 2006, contre 582 milliards en 2004. Une tendance qui risque de se confirmer en raison notamment du geste envers les fonctionnaires et de la tenue des élections législatives. Ainsi, les prévisions les plus optimistes annoncent-elles 875 milliards de F CFA. Au total, le PIB à prix constant a représenté 2 466 milliards en 2006. Il devrait atteindre 2 694 milliards de F CFA cette année. Les progrès doivent donc se poursuivre. Les discussions concernant une nouvelle Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC), qui se sont tenues à Ouagadougou du 10 au 24 janvier dernier, ont débouché sur un accord rapide afin que le Burkina puisse, entre autres, réduire le taux de pauvreté (nombre de personnes vivant avec moins de 2 dollars par jour) à moins de 35 % de la population, contre 46 % actuellement.
Le gouvernement s’engage également à maîtriser les finances publiques avec une priorité au renforcement de la capacité d’absorption de l’aide, à accroître les revenus domestiques, à soutenir la diversification du secteur privé et, enfin, à augmenter les dépenses vers les secteurs prioritaires grâce au traitement de la dette extérieure. Avec 17 % du PIB (538 milliards de F CFA) en 2006 alors qu’il était de 43 % en 2005, l’encours de la dette publique diminue constamment, conformément à l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE).
De fait, les ambitions du gouvernement telles qu’elles sont exprimées dans son Plan d’action prioritaire (PAP) pour les années 2007 à 2009 visent à atteindre une croissance moyenne de 8 % au cours des prochaines années. Un objectif ambitieux dont la faisabilité repose sur le soutien « important et renouvelé » des bailleurs de fonds. Celui-ci n’a jamais faibli dans l’histoire récente du Burkina, qui semble être un laboratoire permanent des politiques de développement sans toujours pouvoir disposer des ressources humaines permettant d’utiliser au mieux le volume d’aide alloué chaque année par une multitude de partenaires. Car à défaut d’accroître le volume de l’investissement privé, de renforcer un tissu industriel exposé à une vive concurrence ou de diversifier ses revenus, le Burkina risque d’être pour longtemps encore sous perfusion. En dehors des services, de l’agriculture, du commerce sous-régional et, dans une moindre mesure, du tourisme, seul le secteur minier semble évoluer favorablement. Néanmoins, la diversification tant espérée achoppe toujours sur le coût des facteurs de production et l’exiguïté du marché national. Autre motif d’inquiétude, le coton, dont les prix diminuent. De 210 F CFA le kilo lors de la campagne 2004-2005 (640 000 tonnes), la rémunération aux producteurs est tombée à 165 F CFA en 2006-2007. Une morosité qui pourrait creuser l’endettement pour les producteurs, mais aussi les trois sociétés chargées de collecter, traiter et commercialiser la fibre. En revanche, la paix en Côte d’Ivoire pourrait de nouveau fluidifier les échanges à travers le corridor naturel qu’emprunte le commerce burkinabè vers le sud.

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