En arrière toute !

Depuis qu’il collabore avec les Occidentaux à la lutte antiterroriste, Kadhafi ne fait même plus semblant de vouloir réformer son régime.

Publié le 7 mai 2007 Lecture : 3 minutes.

L’ère des réformes est-elle révolue ? Depuis l’annonce, le 30 avril, de la nomination d’Omar Ichkal comme coordinateur général des Comités révolutionnaires (CR), qui tiennent à la fois du parti unique et des services parallèles, la question est sur toutes les lèvres à Tripoli. Hostile à l’aile réformiste du régime libyen, dont le chef de file n’est autre que Seif el-Islam Kadhafi, fils et dauphin présomptif du « Guide » de la Jamahiriya, Ichkal était depuis un an exilé volontaire en France – « en disgrâce », selon une source libyenne. Son retour au bercail a coïncidé avec le décès, le 12 mars, de Mohamed Saoud el- Majdhoub, son prédécesseur à la tête des CR. Figure emblématique de la vieille garde « révolutionnaire », ce dernier avait opposé, jusqu’à son dernier souffle, une résistance farouche aux partisans de la « Perestroïka à la libyenne ».
« Beaucoup espéraient que la disparition de Majdhoub ouvrirait une brèche dans le camp des durs », confie-t-on à Tripoli. C’est donc le contraire qui a eu lieu. Seif el-Islam soutenait pour sa part la candidature du Dr Abdallah Othman, « l’idéologue » des réformateurs, qui dirige le centre du Livre vert, à Tripoli. Mais son père ne l’a pas suivi. Deux jours auparavant, celui-ci avait déjà rendu à un arbitrage défavorable à son fils en nommant le très controversé Abdelhadi Moussa à la tête de l’une des plus importantes universités du pays. Parrainé par Ahmed Ibrahim, vice-président du Congrès général du peuple (Parlement) et dur parmi les durs, le nouveau recteur avait été accusé publiquement par Seif d’être « un corrompu notoire ».

« Les réformateurs sont indéniablement en perte de vitesse », commente l’écrivain Farag Abuasha, qui relève que, le 15 avril à Tripoli, une parade des commandos des CR s’est déroulée en présence du « Guide » et de son fils cadet, Moatassim Billah, qui vient d’être parachuté à la tête du tout nouveau Conseil national de sécurité. « C’était la première fois depuis quinze ans que les CR procédaient à une démonstration de force d’une telle ampleur », estime Abuasha. Les discours prononcés à cette occasion ont abondé en menaces à l’adresse de l’opposition, bien sûr, mais aussi des réformistes. « Nous écraserons tous ceux qui veulent remettre en cause la révolution », a fulminé un porte-parole des Comités, avant de fustiger, pêle-mêle, les « réactionnaires, capitalistes, adeptes du multipartisme et autres apostats ».

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Dès le lendemain, des arrestations ont eu lieu à Tripoli et à Benghazi, la deuxième ville du pays, traditionnellement frondeuse. Parmi les personnes interpellées se trouvait le Dr Idriss Bouayed, fondateur de l’Union nationale pour la réforme (NUR), l’un des principaux mouvements d’opposition en exil. Le 20 avril, celui-ci a été traduit en justice avec une demi-douzaine de ses codétenus et inculpé d’« incitation à la révolte ». Longtemps réfugié politique en Suisse, Bouayed, qui est chirurgien de formation, avait regagné son pays en septembre 2006, après avoir obtenu « des assurances » de l’ambassade libyenne à Berne et de membres de l’entourage de Seif el-Islam. Selon ses amis politiques, son arrestation apporterait un « démenti formel » à toutes les promesses d’ouverture faites par Tripoli.

« Le régime se crispe et tente de faire machine arrière », estime un spécialiste occidental. L’attitude de défi à l’égard de la communauté internationale adoptée par le pouvoir dans l’affaire dite des infirmières bulgares (et du médecin palestinien) semble bien conforter cette thèse. Accusés, sans l’ombre d’une preuve, d’avoir délibérément inoculé le virus du sida à plusieurs des dizaines d’enfants dans un hôpital de Benghazi, ces coopérants médicaux ont été condamnés à mort en 2004. Leur condamnation a été confirmée en décembre 2006. Depuis le 25 février, ils sont en outre poursuivis pour « calomnie » par des policiers qu’ils accusent de leur avoir arraché des aveux sous la torture.
« Kadhafi ne tient aucun compte des appels à la clémence lancés par les chancelleries occidentales », déplore un opposant, qui rapproche cette intransigeance du refus du « Guide » de recevoir John Negroponte, le numéro deux de la diplomatie américaine, lors de sa visite à Tripoli, le mois dernier. De même, pour bien montrer qu’il conserve une « capacité de nuisance », Kadhafi a annoncé qu’il allait recommencer à financer les mouvements panarabes dans la région. Comme il y a vingt ou trente ans. Selon plusieurs analystes, il est parfaitement conscient que la démocratisation de son régime est désormais le dernier souci des Occidentaux, comblés par sa collaboration « pleine et entière » à la lutte antiterroriste.

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