Dans le rouge

Si le pays reste le premier producteur d’« or blanc » sur le continent, la filièreest plus que jamais fragilisée. A qui la faute ?

Publié le 7 mai 2007 Lecture : 3 minutes.

Ne pas relâcher l’effort. Particulièrement actif au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le Burkina compte bien obtenir, au terme des négociations initiées dans le cadre du cycle de Doha et ajournées le 28 juillet dernier, la suppression des 4 milliards de dollars de subventions accordées chaque année par les principaux pays producteurs de coton (États-Unis, Chine, etc.) aux compagnies étrangères. Une exigence rappelée avec insistance le 16 mars par Pascal Lamy, secrétaire général de l’OMC
L’enjeu est vital. Le pays pourrait sortir très affaibli de ce round dans lequel les plus gros producteurs, États-Unis en tête, ont montré leur détermination. Mais outre les subventions des pays riches, le coût des intrants ajouté à d’autres facteurs comme l’arrimage défavorable du franc CFA à l’euro ont fini de fragiliser un secteur duquel plus de deux millions de Burkinabè tirent leurs ressources et qui représente à lui seul 70 % des recettes d’exportation du pays. Alors que le niveau de production ne cesse de croître d’une campagne à l’autre – en 2006-2007, le Burkina confirmera pour la cinquième fois consécutive son rang de premier producteur africain,avec 740 000 tonnes attendues -, la rémunération des producteurs est de plus en plus problématique. De 210 F CFA en 2003 (0,32 euro) le prix du kilo est tombé à 165 F CFA en 2006, contre 175 F CFA un an auparavant, sans que cette chute n’ait été compensée ou répercutée sur le coût des intrants. Bien au contraire. Ces derniers ne cessent d’augmenter en dépit des efforts du gouvernement pour en faciliter l’accès. En outre, les producteurs ont dû subir le retard du paiement des 720 000 tonnes livrées lors de la précédente campagne, les trois sociétés chargées de collecter, égrener et commercialiser les fibres – la Société des fibres textiles (Sofitex), la Société cotonnière du Gourma (Socoma) et Fasocoton – ayant enregistré un niveau d’endettement qualifié de « sans précédent » par François Traoré, actuel président de l’Association des producteurs de coton africain (Aproca) créée en 2005.
Malgré la baisse de la rémunération des producteurs, la situation financière de ces sociétés ne s’est guère améliorée. Afin d’éviter l’asphyxie, la Sofitex, dont le déficit atteignait 52 millions de dollars en 2006, a procédé en novembre de la même année à une importante recapitalisation : de 4,4 milliards de F CFA (6,7 millions d’euros) à 38,8 milliards de F CFA (58 millions d’euros). Quant au financement de l’actuelle campagne, elle bénéficie, cette année encore, du crédit d’un pool de banques nationales et internationales : 15 milliards de F CFA au taux de 6 % ont été injectés en plus d’une convention de 17 milliards signée avec la Banque islamique de développement (BID). De quoi conforter la spirale de l’endettement
Tous les indicateurs sont donc au rouge et plongent la filière dans une incertitude lourde de conséquences pour des milliers d’acteurs tentés de délaisser cette culture. Alors qu’il s’est fixé le cap du million de tonnes à moyen terme, le gouvernement tente de trouver la parade en diversifiant l’offre à travers deux types de coton : le biologique (voir encadré) et le transgénique dont les premiers essais, lancés pour la première fois sur le continent africain en juillet 2003, par l’américain Monsanto (coton BT), l’Institut de l’environnement et de la recherche agricole (Inera) ainsi que la Burkina Biotech Association, ont été encourageants grâce au croisement de variétés américaines et burkinabè expérimenté sur les sites de Farako-bâ (ouest) et Kouaré (est). Le Bollgard II, du nom du nouveau coton génétiquement modifié, permettrait « une réduction significative de la quantité d’insecticides utilisée mais aussi l’augmentation des rendements », selon les conclusions de l’Inera.
D’autres réflexions sont par ailleurs engagées autour du « risque-prix » afin d’atténuer les méfaits de la fluctuation des cours. Outre un fonds de lissage garanti par les professionnels de la filière, la création d’un fonds régional, voire mondial, est à l’étude. À moins que l’État ne consacre les recettes tirées de son programme de privatisation, en particulier la vente récente de l’Office national de télécommunications (Onatel) à Maroc Télécom au prix faramineux de 144 milliards de F CFA, pour renflouer la filière. Reste l’incertitude autour de la privatisation du français Dagris, qui détient 34 % du capital de la Sofitex et dont le repreneur potentiel, le consortium emmené par Sofiprotéol et le fonds d’investissement IDI, n’impose que certaines réorientations aux différentes stratégies de l’entreprise.

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