Chávez claque la porte

Le président vénézuélien veut rompre avec les deux institutions, qu’il qualifie de « mécanismes de l’impérialisme ».

Publié le 9 mai 2007 Lecture : 3 minutes.

Nouveau coup d’éclat de la révolution « bolivarienne » : Hugo Chávez, le bouillonnant président vénézuélien, a annoncé, le 1er mai, à la télévision nationale, le départ du Venezuela « de la Banque mondiale (BM) et du Fonds monétaire international (FMI) », qu’il qualifie de « mécanismes de l’impérialisme » destinés à exploiter les pays pauvres en leur imposant « des politiques économiques et sociales brutales ». Il a ajouté : « Il vaut mieux que nous sortions avant qu’on nous ait pillés. Pourquoi ? Parce que ces institutions sont en crise. J’ai lu dans la presse que le FMI ne pouvait pas payer les salaires de ses fonctionnaires. »
Cette décision tonitruante a été inspirée par le populisme bien connu du président vénézuélien. Celui-ci sait que les Latino-Américains ont peu d’estime pour les institutions dites de Bretton Woods qui sont assimilées à des relais de l’impérialisme américain et de ce libéralisme qui a fait tant de dégâts dans les économies du sous-continent. D’autant que les pays riches s’y partagent le pouvoir : les États-Unis président la BM, et les Européens, le Fonds.
Quelles seront les conséquences de cette rupture ? Absolument aucune. Caracas peut compter sur les prix élevés des hydrocarbures dont regorge le pays pour poursuivre sa politique sociale extrêmement généreuse et financer les pays frères comme Cuba, la Bolivie ou l’Équateur. Pas de problème non plus pour la BM et le FMI. Des pays sont sortis ou se sont mis en marge des deux organismes comme la Tchécoslovaquie, la Roumanie ou l’Indonésie sans leur causer de dommage.
Contrairement à ce que prétend Hugo Chávez, la Banque et le Fonds n’ont aucun problème pour payer leurs salariés. Certes, le FMI a enregistré pour 2006-2007 un déficit de 165 millions de dollars en raison des remboursements anticipés des dettes argentine, brésilienne, nigériane ou indonésienne, mais les réserves de l’institution s’élèvent à 9 milliards de dollars, auxquels s’ajoute un stock d’or de 3 217 tonnes.
La vraie question, selon Jérôme Sgard, chercheur au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), « est de savoir si le Venezuela sera imité par la Bolivie, l’Équateur, voire l’Argentine ». Si tel était le cas et si une sorte de Banque des pays du Sud prenait corps, « on entrerait dans un processus totalement nouveau puisque le Sud mettrait en place une structure vraiment alternative ». Il est permis de douter de la viabilité d’un tel projet en l’absence du Brésil, qui demeure sur la réserve. Marco Aurélio Garcia, conseiller diplomatique du président Lula, a déclaré, le 17 avril, à propos du projet de Banque du Sud, que « le Brésil ne mangerait pas un plat cuisiné par d’autres ».
Michel Camdessus, directeur général du FMI de 1987 à 2000, regrette la décision de Hugo Chávez de quitter deux organismes qui, selon lui, ont bien des avantages. Le premier est la surveillance qu’ils exercent sur le fonctionnement économique des pays. « Ce regard extérieur et ces critiques éventuelles ne plaisent pas aux autocrates, mais ils sont précieux pour le pilotage des économies », estime-t-il. Ensuite, le FMI est une sorte de caisse de crédit mutuel destinée à éviter les crises mondiales comme celle de 1929 et à fournir des fonds aux pays connaissant un manque de liquidités. « J’observe, dit Camdessus, que profiter du FMI quand les difficultés nécessitent une aide internationale, comme l’a fait le Venezuela, et en partir quand on n’en a plus besoin ne témoigne pas d’un véritable esprit de solidarité internationale. »
Enfin, déclare l’ancien directeur général du FMI, « je suis convaincu que des réformes sont indispensables dans les deux institutions qui doivent améliorer leur légitimité et leur gouvernance afin de gagner en efficacité et en représentativité. Il faut les réformer de l’intérieur plutôt que de créer de nouvelles structures qui vont à l’opposé du multilatéralisme que je crois nécessaire pour favoriser le développement et la paix dans le monde. »

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