En RDC, Kinarmonik donne le ton
Cours d’harmonie, pratique instrumentale, master class, jam sessions… Depuis trois ans, l’association kinoise offre un espace d’apprentissage et de créativité inédit aux artistes amateurs et aux professionnels.
Ils ont des allures d’écoliers sages. Pourtant, leur cœur bat fort au rythme des musiques du pays et d’ailleurs. Une passion dont ils veulent faire leur métier en rejoignant ou en créant un groupe. Ils jouent surtout de la guitare et de la basse – les instruments les plus accessibles et les moins chers à Kinshasa –, des percussions, de la batterie, parfois du piano, comme Léah Mbuyamba, qui est aussi bassiste et chanteuse de gospel. Quelques-uns sont membres d’un orchestre et se produisent dans des groupes de prière. Peu écrivent des paroles de chansons. Loin de se prendre pour des « grands », tous ont en commun un désir de « s’améliorer ». C’est ainsi que ces jeunes se sont retrouvés à Kinarmonik, une école de musique fondée en juillet 2018 par Éric Muginda, l’un des guitaristes du groupe Jupiter & Okwess.
Le centre est installé au fond d’une cour du quartier Vitamine-1, dans la commune de Matete. « Nous avons vingt-six apprenants, encadrés par deux professeurs, explique le musicien. Notre enseignement repose sur des master classes. Nous organisons aussi des ateliers et nous offrons un espace gratuit de répétition. » Les cours sont payants, 1 dollar par séance, et, pour aider ceux qui ont peu de moyens, un système de parrainage a été institué.
Un solfège « congolisé »
Baignant dans la musique depuis des années, les élèves sont imprégnés d’une grande variété de styles : ndombolo, rumba, seben et folk congolais, musiques traditionnelles de la RDC, mais aussi reggae, bossa nova, salsa, jazz, blues… Pas question cependant pour ces jeunes de copier ce qu’ils ont coutume d’écouter. Ils veulent sortir des sentiers battus et inventer de nouveaux rythmes, « à la manière de Jupiter », précise l’un des élèves.
La caractéristique de Kinarmonik est d’apprendre aux élèves à forger leur propre style à partir des multiples branches du tronc musical congolais. « Le module “créativité” ouvre de vastes horizons aux apprenants. L’harmonie et le solfège que nous enseignons ménagent aussi des portes à la créativité », souligne Serge Tshibamba, l’un des professeurs. À l’évidence, les cours de créativité ont beaucoup de succès. « Cela nous permet de nous épanouir, confirme Léa. Et nous avons des exercices à faire, ce qui nous pousse à rester actifs et à “faire sortir” ce qui est en nous. »
L’enseignement du solfège a été une autre découverte. « C’est un solfège congolisé, appelé “méthode Wadigesila”, du nom du jazzman qui l’a mis au point. Les élèves ont appris à lire et à écrire le solfège. Ils savent ce qu’ils jouent. On observe chez eux une grande évolution et plus de fluidité dans leur façon de faire », ajoute Toussaint Kimbembi, l’autre professeur, membre du groupe Tension 5. « La musique est une science qu’il faut connaître et dont il faut respecter les règles. C’est ce que j’ai appris ici », admet un élève.
À quel type de musiciens aimeraient-ils ressembler s’ils devaient avoir la chance de réussir ? La plupart préfèrent les artistes humanistes, comme Jupiter ou Lokua Kanza, dont la musique a un impact sur des publics variés, aux « stars qui roulent des mécaniques devant les petits et les filles ». Au sein de la nouvelle génération, les tempos changent.
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