Au secours des législatives

Le boycottage des prochaines élections par l’opposition fait tache dans une démocratie exemplaire. À moins que l’échéance soit repoussée

Publié le 7 mai 2007 Lecture : 3 minutes.

Les Sénégalais ne se résignent pas à voir l’image exemplaire de leur pays ternie par le boycottage des élections législatives du 3 juin prochain par l’opposition. Loin s’en faut,. La surenchère des forces politiques jouant à se faire peur cache en réalité une série de négociations secrètes qui ont été engégées pour éviter le pire : le dévoiement de la démocratie sénégalaise. Retour sur des tractations qui pourraient aboutir à un report des législatives.
Dès le 2 avril, les principales formations de l’opposition (vite surnommées « les 12 ») annoncent leur volonté de ne pas participer au scrutin. Craignant le blocage des institutions, le Collectif des organisations de la société civile pour les élections prend aussitôt contact avec les leaders déçus par le résultat de la présidentielle, insiste pour obtenir un rendez-vous avant le 6 avril, date limite de dépôt des listes de candidats. Son président, Babacar Guèye, est reçu le 4 au matin par Ousmane Tanor Dieng, premier secrétaire du Parti socialiste, Amath Dansokho, leader du Parti de l’indépendance et du travail (PIT), Pape Diouf, représentant Idrissa Seck, président de Rewmi… Il tente de les persuader d’engager un dialogue avec le chef de l’Etat, Abdoulaye Wade. Les « 12 » refusent de revenir sur leur décision de boycottage, mais se déclarent disposés à discuter avec Wade. Guèye prend alors langue avec Iba Der Thiam, coordonnateur de la Cap 21, le regroupement des partis de la mouvance présidentielle. Et lui donne une demande d’audience à remettre en main propre à Wade. Ce dernier hésite à entamer des discussions, pris sous le feu nourri des plus radicaux de son entourage, qui tentent de le dissuader de négocier. « En se mettant hors jeu, l’opposition a commis une erreur de stratégie qu’il serait stupide de ne pas exploiter », lui soufflent les uns. « Mieux vaut y aller sans les partis de l’opposition plutôt que de courir le risque de perdre les élections et le pouvoir avec », lui conseillent les autres. En clair, « le boycottage permet de s’assurer d’une majorité parlementaire stable et d’envoyer de facto à la retraite politique, d’ici à la fin de la législature, des opposants comme Moustapha Niasse, Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily… » Le chef de l’Etat est-il sensible à ces calculs ? Fait-il dans la surenchère ? Toujours est-il qu’il prend son temps et laisse venir.
Médiateur chevronné, autrefois impliqué dans la recherche de solutions à la crise casamançaise, Alioune Tine entre dans la danse. Le directeur de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho) s’entretient avec Iba Der Thiam, et Doudou Wade, président du groupe parlementaire du Parti démocratique sénégalais (PDS, au pouvoir) et neveu du chef de l’Etat. Tine reçoit une fin de non-recevoir : « Le président ne peut pas discuter avec des responsables politiques qui ne reconnaissent pas sa victoire à la présidentielle du 25 février 2007. » Il transmet le message aux « 12 » qui dénoncent un « faux débat » : « Si nous n’avions pas reconnu la légalité du président de la République, nous ne lui aurions pas demandé d’ouvrir des discussions autour des modalités d’organisation d’élections législatives transparentes. »
Face au blocage, Wade se retrouve tiraillé entre des calculs politiciens qui lui conseillent le statu quo en vue de s’assurer une majorité parlementaire et son souci de préserver la vitalité de la démocratie sénégalaise.
Le 25 avril, une « Initiative citoyenne pour le dialogue politique » pilotée par Amsatou Sow Sidibé voit le jour. La professeur de droit et directrice de l’Institut des droits de l’homme et de la paix (IDHP) accentue les pression et remet au chef de l’Etat un mémorandum, tenu secret, qui qualifie la reprise du dialogue politique d’« urgence signalée ».
Deux jours plus tard, un coup de théâtre inattendu vient ouvrir une fenêtre de tir. Le Conseil constitutionnel annule, le 27 avril, la loi votée un mois plus tôt, qui institue la parité homme-femme sur la liste des candidats soumis au scrutin proportionnel. Le débat sur cette question mineure est, certes, sans commune mesure avec la cacophonie politique entendue depuis la réélection de Wade, mais la décision arrive à point nommé. Le camp présidentiel, qui se déclarait jusque-là hostile au report des législatives, a peut-être trouvé là une raison valable de s’y résoudre.

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